Au Royaume-Uni, le gouvernement conservateur de Boris Johson a annoncé le 16 février 2021 des mesures pour «garantir la liberté d'expression» dans les universités et tempérer les effets de la «cancel culture» qui prive de parole certains universitaires. Avec ce projet de loi, le gouvernement veut éviter que des universitaires ne perdent leur emploi pour avoir exprimé des positions controversées mais aussi empêcher que les pressions étudiantes ne conduisent à l'annulation de la participation des orateurs invités à des conférences, rapporte l'AFP.
«La liberté d'expression est au cœur même de notre démocratie», a estimé le Premier ministre Boris Johnson sur Twitter. «Il est tout à fait juste que nos grandes universités – lieux historiques de la liberté de penser – voient désormais cette liberté protégée et renforcée par des protections juridiques plus solides». De son côté, le ministre de l’Education, Gavin Williamson, a déclaré le 16 février : «Je suis profondément inquiet de l'effet paralysant sur les campus d'une censure et d'un silence inacceptables […] Nous devons renforcer la liberté d'expression dans l'enseignement supérieur en consolidant les obligations légales existantes et en veillant à ce que des mesures énergiques soient prises en cas de violation», a-t-il précisé.
Dans le cadre de ce projet de loi, le gouvernement envisage de nommer un «champion de la liberté d'expression» pour enquêter sur les cas où cette liberté aurait été bafouée. Il souhaite également permettre aux universitaires qui ont perdu leur emploi dans des litiges similaires de réclamer une éventuelle indemnisation. Ces propositions ont été saluées par un groupe de chercheurs dans le quotidien The Times. «Ces dernières années, trop d'universitaires ont été marginalisés parce qu'ils ont des opinions peu orthodoxes sur des questions comme le genre, le Brexit et l'héritage de l'empire britannique», peut-on lire dans une lettre ouverte. «Des orateurs stimulants ont été désinvités (de débats) et les universités font souvent passer la sécurité émotionnelle des étudiants avant la liberté d'enquêter», poursuivent-ils.
La «cancel culture» ou culture de la dénonciation au cœur du débat
Ce projet de loi vise notamment à limiter l’impact des pressions publiques exercées dans le cadre de la «cancel culture» ou culture de la dénonciation. Cette «culture» venue des Etats-Unis, consiste à mettre en avant et dénoncer publiquement un individu ou un groupe d’individus par le biais de différentes actions, notamment en usant de campagnes puissantes sur les réseaux sociaux. In fine, l’objectif est de faire «taire» les individus concernés.
Avec cette proposition, le gouvernement britannique s’est attiré des accusations d'ingérence dans le fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur. «La plus grande menace contre la liberté d'expression ne provient pas du personnel ou des étudiants, ou de ce qu'on appelle la "cancel culture", mais bien des tentatives du gouvernement de contrôler ce qui peut être dit ou pas sur le campus», a critiqué Jo Grady, secrétaire générale du syndicat des universités et collèges. Selon Hillary Gyebi-Ababio, vice-présidente du syndicat national des étudiants, «il n'existe pas de preuve d'une crise de la liberté d'expression sur les campus».
Selon une étude récente, 0,06% des conférences et événements organisés dans les universités britanniques ont été interrompus ou annulés en raison de l'opinion des intervenants. Parmi les orateurs visés, on trouvait le défenseur du Brexit Nigel Farage, la journaliste de la BBC Jenni Murray ou encore le philosophe Roger Scruton.