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Colère étudiante en Turquie: au cœur d’une polémique, Erdogan dénonce des manifestants «terroristes»

Erdogan a remis en cause l'existence d'une contestation étudiante massive, dénonçant pour sa part le rôle des partis de l'opposition. Simultanément, une polémique sur une présumée falsification d'identités vise ses services de communication.

Pas question pour le président turc d'apporter le moindre crédit à la contestation étudiante en cours dans plusieurs villes du pays après la nomination, le 1er janvier 2021, par Recep Tayyip Erdogan en personne d'un proche de son parti politique au poste de recteur de la prestigieuse université du Bosphore à Istanbul. Pour rappel, l'événement est à l'origine d'un mouvement local qui a pris de l'ampleur en soutien aux étudiants et professeurs mobilisés de l'université. 

«Les événements à l'université du Bosphore n'ont rien à voir avec les étudiants. Les partis de l'opposition […] et certains universitaires avec lesquels ils agissent sont derrière cela», a notamment déclaré le président turc le 5 février, balayant les critiques occidentales et renvoyant ses détracteurs à leurs affaires intérieures. «N'avez-vous pas honte de ce qu'il s'est passé après les élections ?», a-t-il par exemple lancé à l'endroit du gouvernement américain, en référence à l'épisode du 6 janvier au Capitole, avant de tacler Paris «incapable de gérer les manifestations de Gilets jaunes».

Ainsi que le rapporte l'AFP, le chef de l'Etat avait deux jours plus tôt assimilé les manifestants du pays à des «terroristes» et vivement attaqué la communauté LGBT turque, dont le respect des droits est devenu une revendication des contestataires, suite à l'arrestation d'étudiants accusés d'insultes envers l'islam pour avoir organisé une exposition artistique incluant la représentation d'un site musulman sacré orné de drapeaux arc-en-ciel.

Contre-attaque pro-gouvernementale sur les réseaux sociaux

Comme le rapportent plusieurs journaux turcs, au-delà d'une stratégie de maintien de l'ordre renforcée dans le cadre des récentes manifestations, une riposte pro-gouvernementale a été observée sur les réseaux sociaux après une publication, le 4 février sur Twitter, du directeur de la communication présidentielle, Fahrettin Altun, dans laquelle il s'exprimait sur la volonté de l'Etat de lutter «contre la radicalisation, le terrorisme et le vandalisme», en référence au mouvement de contestation.

«Un grand nombre de comptes Twitter ont été détectés comportant des photos volées pour diffuser les publications de Fahrettin Altun», affirme par exemple le quotidien de gauche BirGün. Ces méthodes présumées de falsification auraient permis de montrer un soutien massif à la présidence, mais auraient été démasquées à la suite d'une enquête sur des profils féminins concernés. Selon cette enquête, de faux profils auraient été créés à partir de photos volées sur le site buyernetwork. Le journal affirme également que des plaintes devraient être déposées.

Entre autres sources évoquées dans son article, BirGün met en avant une série de tweets ayant cumulé plusieurs dizaines de milliers d'interactions. «En regardant les extraits de la drôle de vidéo de propagande de Fahrettin Altun, j'ai vu des messages de soutien similaires postés par de nombreuses femmes "laïques". J'ai pensé à des méthodes artificielles pour renforcer l'opinion publique [en faveur du gouvernement] et j'ai fait quelques recherches», explique en préambule son auteur avant d'y intégrer plusieurs captures d'écran renforçant la thèse d'une falsification massive.

Abondant en ce sens, le militant belge Bahar Kimyongür, placé en 2018 sur la liste des terroristes les plus recherchés par la Turquie, s'est exprimé sur le réseau social en ces termes : «Face au hashtag #Cumhurbaşkanıİstifa [#PrésidentDémission en français] Erdogan lance une vaste contre-attaque. Il dispose pour cela d’un gigantesque QG où des trolls salariés passent leur temps à harceler, à diffuser des fake news et des louanges à Erdogan via des faux comptes», a-t-il affirmé en postant une photographie des locaux de la communication présidentielle.

Ce n'est pas la première fois qu'une polémique de ce type implique Fahrettin Altun. En juin 2020, il avait déjà démenti des allégations de Twitter, selon lesquelles le président turc aurait bénéficié du soutien de faux comptes gérés depuis un centre informatique. Une affirmation «irréaliste» avait alors déclaré le directeur de la communication, cité par le célèbre journal Hurriyet.