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Surveillance accrue, tensions orbitales... La France avance en observation militaire depuis l'espace

Le Cnes a annoncé le succès du lancement d'un satellite d'observation militaire depuis Kourou. L'événement rappelle la présence exponentielle, au dessus de nos têtes, d'engins de surveillance à la définition chaque jour plus précise.

«Ce 29 décembre 2020, le lanceur Soyouz a parfaitement réussi sa mission depuis le Centre spatial guyanais, mettant en orbite le satellite d'observation militaire français CSO-2», a fait savoir le jour-même le Centre national d'études spatiales (Cnes). Le tir avait été repoussé d'un jour en raison de vents d'altitude défavorables.

«Observation de la Terre à usage militaire»

Ainsi que le rapporte l'AFP, le satellite CSO-2, d’une masse de 3 562 kilogrammes au décollage, doit être placé sur une orbite basse de 480 kilomètres d’altitude, depuis laquelle il pourra identifier, par exemple, un armement léger.

Si la fusée qui l'a propulsé est de fabrication russe, la conception et la réalisation du satellite en question ont été pris en charge par Airbus defence and space France, tandis que Thales alenia space France a fourni l’instrument optique, peut-on lire sur le site du Cnes.

Effectuée avec succès à 13h42, heure de Kourou (17 h 42, heure de Paris), l'opération «VS25/CSO-2» correspond au deuxième lancement d'une mission d'«observation de la Terre à usage militaire» menée conjointement par le Cnes et la Direction Générale de l’Armement (DGA). 

L'agence spatiale française détaille ainsi les enjeux de la mission dans son ensemble : «Les satellites CSO (Composante spatiale optique) du programme MUSIS (Multinational space-based imaging system) sont des satellites d’observation militaire dédiés à la Défense française et à ses partenaires. Sous maîtrise d’ouvrage du Cnes par délégation de la DGA, ils doivent succéder au système Hélios 2 [une famille de satellites de reconnaissance français mis en orbite entre 1995 et 2009] et contribuer au renforcement des capacités des forces dans le domaine du renseignement spatial, du soutien et de la conduite des opérations sur les théâtres d’engagement.»

CSO-1, lancé en décembre 2018, est positionné à 800 kilomètres d’altitude, tout comme le sera CSO-3, dont le lancement est prévu pour la fin de 2021. Ces deux derniers sont affectés à des missions dites de «reconnaissance», alors que CSO-2, positionné plus bas, aura une mission d’«identification».

Quid de la surveillance satellitaire ?

«Les observations dans le domaine optique [comme c'est le cas de la mission française susmentionnée], plus largement répandues, restent limitées par les conditions météorologiques ; elles peuvent être contournées ou complétées par des observations radar [autres bandes de fréquence] qui s’affranchissent complètement du couvert nuageux», témoignait récemment un ingénieur en aérospatiale auprès de RT France.

De fait, les ambitions françaises en matière d'observation militaire rappellent la présence exponentielle, au dessus de nos têtes, de satellites de surveillance à la définition chaque jour plus précise.

«Le nouveau satellite espion israélien renvoie ses premières photos…», titrait par exemple à ce sujet The Times of Israel, le 15 juillet 2020. «Un satellite de surveillance qui peut voir jusque dans votre salle de bains», expliquait encore France Culture une semaine avant Noël, en référence aux travaux dans ce domaine, présentés le 16 décembre par l’entreprise californienne Capella space. «Nous sommes incroyablement fiers d'avoir officiellement accompli la plus haute résolution [d'image satellitaire] du monde ! Aujourd'hui, nous dévoilons notre imagerie "Spot" à 50 cm x 50 cm», s'était en effet vanté la firme américaine sur Twitter, en préambule d'un fil de publications sur ses récents accomplissements concernant l'observation par «radar à synthèse d'ouverture». Capella space avait ainsi publié un cliché représentant une vue détaillée du centre de lancement satellitaire chinois de Jiuquan.

Tensions en altitude

La mission française évoquée en début d'article appuie, point par point, les lignes directrices du Commandement de l'espace (CDE) français, un service interarmées qui a officiellement vu le jour le 8 septembre 2019. Dépendant du Chef d'état-major de l'Armée de l'air, ce service pourrait être composé, selon le gouvernement français, de «500 personnes d’ici 2025». Pour rappel, le CDE a vu le jour successivement à un incident orbital après lequel la ministre française des Armées, Florence Parly, avait accusé la Russie d'avoir tenté de capter les communications d'un satellite militaire franco-italien.

Simultanément aux coopérations scientifiques majeures que l'activité spatiale continue de générer entre les différents acteurs du secteur, celui-ci connaît une militarisation indissociable de son développement. Le fait est que le spatial vient de la Défense, qui reste un client majeur en la matière. 

Le 20 décembre 2019, les Etats-Unis, premiers investisseurs mondiaux – haut-la-main – dans le domaine spatial, ont de leur côté donné naissance à une «Space force» (Force spatiale) sous l'acronyme USSF, qui constitue à ce jour la sixième branche des forces armées du pays, avec laquelle Washington entend faire savoir au monde sa supériorité dans le secteur, amenant ainsi les principaux acteurs du spatial à réagir en conséquence. «La Chine développe des lasers capables d'aveugler les satellites espions américains», titrait déjà à ce sujet le magazine Capital en octobre 2019.

Preuve de tensions directement liées à l'activité spatiale des uns et des autres, l'administration américaine fulminait au mois d'avril 2020 contre Téhéran, en réaction à son premier lancement d'un satellite militaire : «L’Iran devra rendre des comptes», avait ainsi tonné Mike Pompeo, secrétaire d'Etat des Etats-Unis. Trois mois plus tard, Washington accusait également Moscou d’avoir testé une arme pour détruire des satellites. Démenti formel des autorités russes qui avaient alors expliqué avoir réalisé des tests concernant un satellite inspecteur en mesure de faire des diagnostics de l'état d'autres satellites.

«Tous les pays qui en ont les moyens sentent bien qu'ils ne peuvent pas rester à la traîne dans le domaine spatial. Avoir accès à l'espace devient une question de souveraineté, pour ne pas se vassaliser à d’autres nations "phare"», commentait encore le professionnel de l'industrie spatiale récemment contacté par RT France.

Fabien Rives