Le 16e président des Etats-Unis, considéré comme un héros emblématique du pays, va-t-il bientôt devenir un paria à San Francisco ?
Un lycée Abraham Lincoln de la célèbre ville californienne pourrait bien en effet être débaptisé. Selon ce que rapporte le site San Francisco Chronicle, le comité local de changement de noms du district scolaire considère que Lincoln fait partie de ces personnages historiques qui ont vécu «une vie tellement marquée par le racisme, l'oppression ou les violations des droits de l'homme qu'ils ne méritent pas d'avoir leur nom sur un bâtiment scolaire».
«Le déracinement des noms et symboles problématiques qui encombrent actuellement les bâtiments, les rues, dans toute la ville est une entreprise louable», a déclaré Jeremiah Jeffries, président du comité de changement de noms et enseignant à San Francisco cité par le site d'information.
Cette démarche, qui pourrait concerner 44 sites scolaires – soit un tiers des écoles du district –, a suscité de nombreuses critiques. Ses détracteurs lui reprochent notamment son amateurisme. Le comité se serait en effet appuyé sur Wikipédia et non pas sur des documents historiques ou des recherches approfondies.
Lorsque le comité a désigné les 44 sites scolaires à renommer, «beaucoup de ces choix s'expliquaient», selon le San Francisco Chronicle. «Thomas Jefferson et James Monroe étaient des propriétaires d'esclaves et Vasco Nunez Balboa était un conquistador meurtrier», rapporte le média local.
Lincoln accusé d'avoir maltraité les amérindiens
Mais le fait que Abraham Lincoln soit sur cette liste suscite la controverse. De nombreux Américains sont choqués qu'on puisse montrer du doigt ainsi «le grand émancipateur» qui a aboli l'esclavage il y a un siècle et demi. C'est sur la bible d'Abraham Lincoln que Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, avait d'ailleurs choisi de prêter serment pour son investiture. Donald Trump, qui avait fait de même quand il avait pris ses fonctions, a d'ailleurs tweeté son indignation face à cette attaque contre son illustre prédécesseur. «Tellement ridicule et injuste. Les gens ne prendront-ils jamais position !», a écrit le locataire de la Maison Blanche.
Selon ce que rapporte le San Francisco Chronicle, il semblerait que la décision du comité de mettre le nom d'Abraham Lincoln sur cette liste noire a été motivée par le traitement des Amérindiens pendant son administration et non celui des afro-américains. C'était l'un des critères décisifs pour mettre ou non une personnalité sur la liste. Le traitement infligé aux populations amérindiennes sous sa présidence, avec le déploiement du chemin de fer transcontinental qui a entraîné la spoliation des terres indiennes, serait ainsi à l'origine de cette décision.
«La discussion pour Lincoln a porté sur son traitement des peuples de la Première Nation», a expliqué Jeremiah Jeffries, ajoutant considérer comme faux l'histoire officielle du président assassiné. De son point de vue, la guerre de Sécession n'a pas été menée pour l'esclavage ou la libération des noirs. «L'histoire de Lincoln et des Amérindiens est compliquée, pas aussi connue que celle de la guerre Sécession et de l'esclavage», a ainsi déclaré le président du comité avant d'ajouter : «Lincoln, comme les présidents avant lui et la plupart après, n'a pas montré par la politique ou la rhétorique que la vie des Noirs ait jamais compté pour eux en dehors du capital humain et en tant que victimes de la création de richesse.»