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Les autorités françaises ont-elles honte d'avoir invité le président égyptien Al-Sissi ?

La visite officielle du président égyptien en France n'a pas bénéficié d’une très grande couverture médiatique. Et pour cause, l'Elysée, les ministères, le Sénat et la mairie de Paris ont limité leur communication sur l'événement, selon Quotidien.

Elysée, ministères, Sénat, mairie de Paris... ils n'étaient pas nombreux à se bousculer pour poster leur selfie avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, en visite officielle en France du 6 au 8 décembre. Si bien que pour en savoir plus sur ce voyage, il valait mieux lire l'arabe et se rendre sur le site de la présidence égyptienne, bien plus fourni en informations que celui de l'Elysée, comme l'a noté l'émission Quotidien.

Pour ce qui est des images, les agences AFP et Reuters n'ont rendu compte de la visite du président égyptien qu'à travers quelques prises de vues sur le perron de l'Elysée où le maréchal Al-Sissi salue en compagnie d'Emmanuel Macron puis de Jean Castex à Matignon.

Du côté de la communication de l'Elysée, service minimum. Le palais présidentiel s'est en effet contenté de partager la vidéo de la déclaration conjointe des deux présidents lors de cette visite. Mais comme l'a relevé l'émission de Yann Barthès, de nombreux événements ont été soigneusement éludés dans les communications officielles et sur les réseaux sociaux de la présidence française, mais aussi des ministères des armées et de l'Economie, du Sénat et de la mairie de Paris.

Ainsi, rien n'a été partagé sur la remise par Emmanuel Macron de la grand-croix de la Légion d'honneur à Abdel Fattah al-Sissi. Pas un mot non plus à propos de la cérémonie aux Invalides avec la ministre des Armées Florence Parly ainsi que sur son accueil au ministère de l'Economie par Bruno Le MaireAnne Hidalgo, pourtant très active sur Twitter, n'a pas communiqué sur les réseaux sociaux non plus à propos de sa réception à l'Hôtel de ville de Paris. Une cérémonie durant laquelle, rapporte l'AFP, le maire n'a pourtant pas manqué de faire la leçon au président égyptien concernant les droits de l'homme et notamment ceux de la communauté LGBTQ. Abdel Fattah al-Sissi a également été reçu au Sénat par Gérard Larcher. Le président du Sénat, moins frileux, a lui twitté une vidéo de cette rencontre officielle.

Pour accéder aux images de ces événements, il était donc préférable de se rendre sur le site de la présidence égyptienne. Elle a, pour sa part, largement communiqué sur ce voyage officiel et la presse du pays l'a aussi couvert avec attention.

Les droits de l'homme, pas une «condition» pour la coopération économique et de défense

La visite d'Etat de trois jours du président égyptien avait débuté le 6 décembre à Paris avec pour objectif de renforcer la coopération bilatérale entre les deux pays face aux crises du Moyen-Orient.

Dès son arrivée, Abdel Fattah al-Sissi a été reçu par le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian pour un entretien suivi d'un dîner au Quai d'Orsay. Le ministère des Affaires étrangères a lui communiqué sur cette rencontre, qui était inscrite à l'agenda du ministre.

Le président égyptien a ensuite été reçu le lendemain par Emmanuel Macron, qui a plaidé en faveur d'une «ouverture démocratique» et d'«une société civile active» dans un pays accusé par de nombreuses ONG de bafouer les droits humains. L'Elysée a néanmoins refusé de conditionner à cette question le partenariat stratégique entre Paris et Le Caire.

Emmanuel Macron a salué la récente libération de trois dirigeants de l'Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), au terme d'une forte mobilisation internationale. Il a assuré avoir également évoqué «plusieurs autres cas individuels», rapporte l'AFP, dont celui de Ramy Shaath, défenseur des droits égypto-palestinien dont plusieurs ONG dénoncent la détention arbitraire depuis plus d'un an.

Après avoir refusé de «donner des leçons» à son hôte en octobre 2017, s'attirant les foudres des défenseurs des droits de l'homme, Emmanuel Macron s'est de nouveau abstenu de montrer du doigt l'Egypte, où l'arrivée au pouvoir du président Sissi en 2015 s'est accompagnée d'une répression croissante contre toute forme d'opposition, islamiste ou libérale.

«Je ne conditionnerai pas notre coopération en matière de défense, comme en matière économique, à ces désaccords», a précisé le chef de l'Etat français, en estimant «plus efficace d'avoir une politique de dialogue exigeant plutôt qu'une politique de boycott qui viendrait à réduire l'efficacité d'un de nos partenaires dans la lutte contre le terrorisme et pour la stabilité régionale».

Les ONG avaient appelé à manifester le 8 décembre à 18h devant l'Assemblée nationale. Pour la Fédération internationale des droits humains (FIDH), la France doit cesser en premier lieu «les ventes d'armes et de matériel de surveillance électronique» à l'Egypte au risque de se retrouver «complice de la répression».

Emmanuel Macron a ainsi vanté «la relation exceptionnelle et amicale» entre la France et l'Egypte, pays considéré par l'Elysée comme un «pôle de stabilité» dans une région instable. Les deux présidents ont affiché leur convergence sur plusieurs grands enjeux de sécurité régionale, de la lutte contre le terrorisme à la crise libyenne en passant par les rivalités avec la Turquie en Méditerranée orientale, et ont affiché un front commun contre les comportements d'Ankara.

Soutien dans l'affaire des caricatures du prophète

Emmanuel Macron a par ailleurs remercié son homologue, «président d'un très grand pays arabe et musulman» de sa visite à Paris après une «campagne de haine» anti-française dans le monde musulman. La France a récemment fait l'objet d'appels au boycott et de manifestations après la défense par Emmanuel Macron de la liberté de caricaturer, suite à l'assassinat de l'enseignant Samuel Paty par un terroriste islamiste en octobre pour avoir montré en cours des caricatures de Mahomet.

Sissi en a profité pour rappeler que l'Egypte avait condamné l'assassinat du professeur Samuel Paty par un réfugié russe tchétchène radicalisé. Mais il a aussi souligné le caractère «sacré» de la religion qui conserve, selon lui, «la suprématie sur les valeurs humaines». Il a également pointé le risque de «blesser des millions de personnes» en critiquant l'islam.

Le président égyptien s'était entretenu plus tôt avec la ministre française des Armées, Florence Parly, après une cérémonie d'accueil fermée à la presse, officiellement pour cause de Covid-19. Son cortège a ensuite été escorté par 141 chevaux de la Garde républicaine jusqu'au palais de l'Elysée pour sa rencontre avec Emmanuel Macron, qu'il devait revoir dans la soirée pour un dîner en format restreint.