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La Turquie et l'Azerbaïdjan condamnent la reconnaissance du Haut-Karabagh par le Sénat français

Les diplomaties turques et azerbaïdjanaises ont fait savoir qu'ils condamnaient la résolution votée le 25 novembre par le Sénat demandant au gouvernement français «la reconnaissance de la République du Haut-Karabagh».

Dans un communiqué publié le 26 novembre, le ministère turc des Affaires étrangères a condamné la résolution votée la veille par le Sénat français visant à reconnaître la République du Haut-Karabagh. Une position partagée par les autorités azerbaïdjanaises, qui évoquent une «provocation», symbole de «l'islamophobie en France».

«La résolution votée par le Sénat français est un exemple du mépris des principes du droit international […] pour des considérations de politique intérieure», déclare le communiqué du gouvernement turc. Il juge également que le vote du Sénat, qui n'est pas contraignant, reflète «l'obsession turque» de la France.

La chambre haute a en effet demandé au gouvernement français «la reconnaissance de la République du Haut-Karabagh», région d'Azerbaïdjan peuplée en majorité d’Arméniens. L’Artsakh (le nom de la région en arménien) a déclaré son indépendance le 2 septembre 1991 mais n’a été reconnu par aucun membre de l’ONU. Les combats dans la région avaient repris le 27 septembre et ont pris fin le 9 novembre. A l’issu du cessez-le-feu signé par Erevan et Bakou sous l'égide de Moscou, le Haut-Karabagh a dû céder des territoires à l’Azerbaïdjan, ce qui a motivé les sénateurs à demander dans leur texte le «rétablissement des frontières définies en 1994». Un appel à l'Azerbaïdjan à se retirer des territoires conquis que la Turquie juge «ridicule, partial et déconnecté de la réalité».

La résolution du Sénat invite également le gouvernement «à demander la conduite d'une enquête internationale sur les crimes de guerre commis au Haut-Karabagh» et «à tirer toutes les conséquences diplomatiques du rôle joué par les autorités turques». Des accusations rejetées par Ankara, qui les qualifie d’ «allégations infondées».

L'Arménie applaudit, l'Azerbaïdjan dénonce une «provocation» 

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a quant à lui affirmé qu'il s'agissait d'une «décision historique» de la part du Sénat français. Comme le relève l'agence Tass, le ministère arménien des Affaires étrangères a salué l'«attachement inébranlable» du peuple français «aux valeurs civilisationnelles universelles des droits de l'Homme», tout en affirmant que cette résolution confirme la nécessité de reprendre les pourparlers sous la médiation du groupe de Minsk, un groupe de travail au sein de l'OSCE visant résolution pacifique du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Un groupe de Minsk dont le parlement azerbaïdjanais a proposé d'exclure la France dans une résolution en riposte à celle votée par leurs homologues français. Les parlementaires azerbaïdjanais y appellent également leur gouvernement à un réexamen des relations politiques et économiques avec Paris, selon RIA Novosti. La présidente du parlement Sakhiba Gafarova a déclaré que «le peuple azerbaïdjanais [continuerait] à serrer fermement les rangs autour du président Ilham Aliyev et [était] capable de mettre fin à toutes les actions malsaines dirigées contre l'Etat et le peuple».

Le ministère des Affaires étrangères de l'Azerbaïdjan a pour sa part dénoncé une «provocation, menée par un groupe de sénateurs ouvertement pro-arméniens». «Un exemple éclatant de l'islamophobie en France», a ajouté un conseiller en politique étrangère du président Ilham Aliyev, Hikmet Hajiyev, qui a également qualifié la résolution de «morceau de papier» adopté au nom d'ambitions politiques restreintes, et cet acte «honteux pour la politique et le parlementarisme français».

Plusieurs dizaines de personnes ont participé à une manifestation contre la résolution du Sénat devant l'ambassade de France à Bakou ce 26 novembre.

Le relations entre la France et une partie du monde musulman sont par ailleurs tendues depuis la défense par Emmanuel Macron du droit à caricaturer Mahomet. Des tensions qui, dans le cas de la Turquie, s'ajoutent à celles liées à la situation en Syrie, en Libye et en Méditerranée orientale, et à l'appel du président turc Recep Tayyip Erdogan à boycotter les produits français.