Depuis le 4 novembre, bon nombre de tweets de Donald Trump sont accompagnés d'une fenêtre mettant en doute la véracité des propos du président sortant. Une décision partagée par Facebook et YouTube et dénoncée publiquement par le locataire de la Maison Blanche, tandis que les Etats-Unis s'enfoncent dans un imbroglio électoral.
Facebook supprime la page «Stop the steal», accusée de délégitimer le processus électoral
Dans la nuit du 3 au 4 novembre, Donald Trump s’est adressé aux 88 millions d’abonnés de son compte Twitter en affirmant que le camp démocrate essayait de «voler l’élection» via de supposées fraudes électorales massives.
Cette hypothèse, qui s'appuie sur des rumeurs ayant été démenties mais aussi des témoignages inquiétants sur le système de vote par correspondance cités par la presse, a été immédiatement reprise par de puissants influenceurs de son camp, tels son fils Donald Trump Jr., très actif sur les réseaux (6 millions d'abonnés sur Twitter), Elizabeth Harrington, porte-parole du parti républicain, ou des porte-voix moins connus comme le spécialiste en relations publiques Chris Barron.
Le mot d'ordre Stop the steal (Stop au vol) − déjà utilisé par les républicains lors des élections législatives de 2018 − devient rapidement viral, accompagné d’appels à passer à l’action. La page Facebook Stop The Steal − lancée par le groupe pro-Trump Women for America First (Les femmes pour l'Amérique d’abord) − comptait ainsi quelque 350 000 membres le 5 novembre et énumérait une série d’événements, selon l'AFP, parmi lesquels des manifestations dans les Etats-clés où le suspense concernant le vainqueur persiste, de la Géorgie au Nevada en passant par la Pennsylvanie. Des rassemblements qui se sont effectivement multipliés à travers les Etats-Unis depuis le 4 novembre.
Les partisans de Joe Biden ont alors appelé Facebook à fermer cette page, ce qui a été fait le 5 novembre à la mi-journée. Une décision que le porte-parole de la firme californienne justifie en ces termes, relevés par l’AFP : «Etant donné les mesures exceptionnelles que nous prenons pendant cette période de tensions, nous avons retiré le groupe Stop the steal, qui organisait des événements dans le monde réel […] Ce groupe était constitué autour de la délégitimation du processus électoral et nous avons vu de préoccupants appels à la violence de la part de certains membres du groupe».
Les soutiens du président sortant se sont plaints d’une «censure», comme l’a exprimé Chris Barron dans un message retweeté par Donald Trump Jr. : «Facebook a fermé la page Stop the Steal qui comptait 365 000 membres: les réseaux sociaux traitaient-ils de la même façon Black Lives Matter ?»
L'expression et le hashtag #StopTheSteal continuent néanmoins d’être abondamment utilisés sur Twitter, et servent de slogan lors de manifestations, comme celles exigeant l’arrêt des dépouillements.
Twitter et YouTube censurent Steve Bannon, qui souhaite «mettre la tête» de bureaucrates fédéraux «sur des pieux»
Dans l'un des derniers épisodes de son podcast War Room : Pandemic diffusé sur les réseaux sociaux, l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, a déclaré que le président sortant avait remporté une victoire «écrasante» lors de l'élection présidentielle, alors même que le dépouillement n'est pas terminé. Steve Bannon a ajouté que le PDG de Twitter, Jack Dorsey, devrait être «arrêté» pour s'être «ingéré» dans le processus électoral.
L'ancien patron du media conservateur Breitbart s’est exprimé en ces termes : «Si le président des Etats-Unis n'appelle pas [le directeur du département de la Justice] Bill Barr maintenant, aujourd'hui, en ce moment même... et n'envoie pas des US marshals à San Francisco pour arrêter Jack Dorsey aujourd'hui […] Je savais que ce moment allait arriver, quand un vaurien comme Jack Dorsey s'en prend à la liberté d'expression du Commander in chief et la supprime».
Depuis le 4 novembre, Twitter a en effet signalé des tweets de Donald Trump portant sur une potentielle fraude électorale. Ces tweets sont toujours accessibles, mais après avoir cliqué sur un encart annonçant qu’«une partie ou la totalité du contenu partagé dans ce Tweet est contestée et susceptible d'être trompeuse quant au mode de participation à une élection ou à un autre processus civique».
Lors de la même émission, Steve Bannon s’en est également pris à Christopher Wray − directeur du FBI − et au Dr. Anthony Fauci − membre la cellule de crise de la Maison Blanche sur le coronavirus : «Je reviendrais à l’époque de l’Angleterre des Tudors. Je mettrais leur tête sur des pieux, je les mettrais aux deux coins de la Maison Blanche, comme un avertissement aux bureaucrates fédéraux. Soit vous suivez le programme, soit vous partez.»
Une déclaration qui a entraîné la suspension du compte Twitter de War Room : Pandemic, la firme californienne expliquant au site The Hill qu’il violait ses «règles sur la glorification de la violence».
La plateforme d’hébergement de vidéos YouTube a quant à elle supprimé la vidéo et donné un avertissement au compte de War Room, la chaîne pouvant être supprimée au troisième avertissement.
Pour Donald Trump, Twitter est «hors de contrôle»
Les restrictions imposées par Twitter à son compte ont amené le président américain à déclarer − ironiquement, dans un tweet − que la plateforme aux près de 200 millions d’utilisateurs quotidiens était «hors de contrôle».
Une situation rendue possible selon lui par la «Section 230», un passage de la loi Communications Decency Act de 1996 qui exonère le fournisseur de services informatiques de responsabilité civile pour un certain nombre de faits, telles que les mesures prises «volontairement et de bonne foi pour restreindre l’accès ou la disponibilité de matériel que le fournisseur ou l’utilisateur considère comme […] excessivement violent, harcelant ou autrement répréhensible», comme le rappelle le site Numerama. En s'en prenant à la Section 230, Donald Trump souhaite donc contraindre les réseaux sociaux à rester totalement neutres.
Les reproches de Donald Trump ne se sont pas cantonnés au monde virtuel : dans une allocution prononcée le 5 novembre en fin de journée depuis la Maison Blanche, le président sortant a dénoncé «l'interférence, jamais vue dans une élection, des grands médias, du monde des affaires et des géants de la tech». Des soupçons de favoritisme envers le camp démocrate qui ne sont pas nouveaux, et qui ont encore été renforcés par le fait que de nombreuses chaînes d’information américaines ont coupé les deux dernières interventions télévisées de Donald Trump avant leur terme, faisant valoir que les propos tenus par le président n’étaient «tout simplement pas vrais».
Donald Trump parlait là encore de fraudes électorales supposées de la part du camp démocrate, évoquant des «votes illégaux». Une situation qui a amené le camp du candidat républicain à contester les résultats de tous les Etats récemment revendiqués par Joe Biden, alors qu'il ne manque plus à ce dernier que six grands électeurs pour devenir le nouveau locataire de la Maison Blanche.
Twitter épingle un tweet qualifiant Joe Biden de «président-élu»
Il convient de noter, dans ce contexte d'accusations de censure portées par le camp républicain contre les géants du web, que Twitter a signalé ce vendredi 6 novembre un tweet de Scott Dworkin, le fondateur d'un comité démocrate baptisé «la coalition démocratique contre Trump», indiquant : «Président-élu Joe Biden. Vice-présidente-élue Kamala Harris.»
Le réseau social n'a pas dissimulé le message mais a ajouté la note suivante : «Les sources officielles peuvent ne pas avoir encore déterminé le vainqueur au moment où ces propos ont été tweetés.»