C'est lors d’un point presse le 30 octobre que le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'est exprimé sur la polémique des caricatures de Mahomet qui enflamme le monde musulman.
«Nous allons toujours défendre la liberté d'expression», avait-il assuré, tout en ajoutant : «Mais la liberté d'expression n'est pas sans limites». Et le chef du gouvernement canadien de développer : «Nous nous devons d'agir avec respect pour les autres et de chercher à ne pas blesser de façon arbitraire ou inutile ceux avec qui nous sommes en train de partager une société et une planète»
«On n'a pas le droit par exemple de crier au feu dans un cinéma bondé de monde, il y a toujours des limites», a argumenté le dirigeant canadien. «Dans une société pluraliste, diverse et respectueuse comme la nôtre, nous nous devons d'être conscients de l'impact de nos mots, de nos gestes sur d'autres, particulièrement ces communautés et ces populations qui vivent encore énormément de discriminations», a-t-il encore plaidé.
Des propos qui ne l’ont pas empêché de condamner «de tout cœur» les récents attentats islamistes survenus en France, à savoir la décapitation de Samuel Paty, professeur de collège qui avait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet, et l’attaque au couteau dans la basilique de Nice le 29 octobre. «C’est injustifiable», a ajouté Justin Trudeau. Et de rappeler que le Canada se tenait aux côtés de ses «amis français qui vivent des moments extrêmement difficiles».
Des critiques, venant notamment de la droite et des nationalistes québécois
Si les propos de Justin Trudeau sur les limites à la liberté d'expression ont été très critiqués en France, ils ont aussi indigné au Canada certains politiques et journalistes, qui ont estimé que le chef du gouvernement faisait le jeu des islamistes.
Le chef du Bloc québécois (parti indépendantiste) Yves-François Blanchet a dénoncé dans un communiqué le fait que Justin Trudeau trouve «une justification à l’assassinat terroriste plutôt que de l’affronter sans condition ni nuances». «Nous devons, au contraire, faire un mur de nos voix et nos corps pour protéger nos valeurs et nos gens», a-t-il martelé.
Maxime Bernier, à la tête du Parti populaire canadien (droite), a souligné sur Twitter l'«hypocrisie» du Premier ministre, en publiant des photos de Justin Trudeau posant avec un pull tournant en dérision la Cène et Jésus Christ.
Le chroniqueur Antoine Robitaille s’est, lui, offusqué dans le Journal de Québec : «En ergotant sur les limites à la liberté d’expression (sans même se fonder sur le droit canadien actuel !), Trudeau a ouvert la porte à une justification […] la liberté d’expression, c’est précisément le droit de déplaire par ses propos, ses œuvres (exception faite des discours haineux et diffamatoires)».
Autre chroniqueur du Journal de Québec, Loïc Tassé (par ailleurs politologue) est allé jusqu’à appeler à la démission de Justin Trudeau. «C’est très grave, ce qu’il vient de faire. Je pense qu’il ne peut plus rester Premier ministre en ayant tenu des propos qui le placent dans le camp des pires islamistes», a-t-il jugé.
Le très médiatique éditorialiste conservateur et pro-indépendance du Québec Matthieu Bock-Côté a lui aussi réagi avec colère. «La France est la cible d’une agression islamiste. Et Justin Trudeau trahit son allié en lui crachant au visage», a-t-il estimé dans un éditorial pour le Journal de Montréal.
En revanche, le leader du Nouveau parti démocratique (NDP, gauche) canadien, Jagmeet Singh, avait déclaré, plus tôt dans la semaine (avant les déclarations de Justin Trudeau), que la «liberté d’exprimer nos pensées n'[était] pas une liberté de créer par exprès des divisions [et de] la haine», selon des propos rapportés par Le Devoir.