Le directeur du Service de renseignement extérieur russe (SVR) Sergueï Narychkine a accusé, le 16 septembre, l'opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa d'être «sous la tutelle» des Etats-Unis, qui ont, selon lui, organisé les manifestations anti-Loukachenko.
«Les Etats-Unis ont pris sous leur tutelle l'ancienne candidate à l'élection présidentielle et d'autres militants de l'opposition, promus leaders de la future "Biélorussie démocratique"», a-t-il déclaré dans un message transmis aux agences de presse russes.
Les manifestations ont été coordonnées de l'étranger depuis le début
Selon lui, Washington «joue un rôle clé dans les événements actuels en Biélorussie» bien que les Etats-Unis «essaient de garder un profil bas dans l'espace public». Les Etats-Unis auraient ainsi alloué «dès 2019 et début 2020, par l'intermédiaire de différentes organisations non gouvernementales, 20 millions de dollars pour l'organisation de manifestations antigouvernementales», selon Sergueï Narychkine. L'argent aurait été versé à des «blogueurs indépendants» dont les plus prometteurs ont été formés par des «instructeurs américains expérimentés» dans des pays comme la Pologne ou l'Ukraine.
«Les manifestations ont été coordonnées de l'étranger depuis le début», a ajouté le chef du SVR, un proche de Vladimir Poutine placé à ce poste en 2016 après une longue carrière aux côtés du président russe depuis les années 1990.
Loukachenko : «Nous ne baissons pas la garde et sommes prêts à répondre à tout défi»
La Lituanie, où s'est réfugiée Svetlana Tikhanovskaïa après l'élection, a dénoncé ces propos. «Nous entendons de telles histoires fabriquées par la Russie depuis six ans […] Nous avons des doutes sur le fait que les auteurs de ces déclarations les croient eux-même», a ainsi déclaré à l'AFP la porte-parole de la diplomatie lituanienne, Rasa Jakilaitiene.
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a lui tenu le 16 septembre des propos similaires à ceux de Sergueï Narychkine, assurant devant des responsables nationaux que «la tactique des organisateurs [des manifestations] était basée sur le manuel classique des révolutions de couleur», du nom de mouvements pro-occidentaux ayant notamment touché l'Ukraine et la Géorgie.
Il a assuré, cité par l'agence étatique Belta : «Nous savons qui dirige, qui veut que quelque chose arrive à la Biélorussie et c'est pourquoi nous ne baissons pas la garde et sommes prêts à répondre à tout défi.» L'annonce de la réélection d'Alexandre Loukachenko avec environ 80% des voix (contre quelque 10% pour sa principale rivale, Svetlana Tikhanovskaïa) a déclenché dès le 9 août dans toutes les grandes villes de Biélorussie des manifestations de contestation des résultats du scrutin, ainsi qu'un mouvement de grève. La police a réagi en procédant à des milliers d'arrestations dans les soirées qui ont suivi le scrutin.
Des personnes libérées ont témoigné à l'AFP de privation d'eau ou de nourriture durant leur détention, ou encore de passages à tabac. Alexandre Loukachenko a rapidement dénoncé les mobilisations anti-gouvernementales en évoquant, notamment, «des appels à téléguider» les protestataires depuis l'étranger. A plusieurs reprises, il a suggéré que les manifestants contestant sa réélection étaient manipulés par des forces extérieures. En outre, les partisans du chef d'Etat réélu ont eux aussi organisé des mobilisations dans le pays. Plusieurs gouvernements occidentaux ont haussé le ton vis-à-vis de Minsk. La Commission électorale centrale biélorusse a rejeté toutes les plaintes au sujet d'une non-validité des résultats de l'élection présidentielle. Néanmoins, le 17 août, le chef d'Etat biélorusse a fait savoir qu'une nouvelle élection présidentielle pourrait se tenir si une nouvelle Constitution était adoptée par référendum.