Le 9 juillet, le gouvernement britannique a publié un projet de loi visant à «clarifier» l'accord qui avait encadré son divorce avec l'Union européenne (UE), en janvier dernier. D'après le Premier ministre Boris Johnson, les modifications dans les engagements pris par Londres ont pour objectif de «garantir la fluidité et la sécurité [du] marché intérieur britannique».
Le texte initial, le protocole nord-irlandais, visait à garantir l'absence de frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande (Eire), membre de l'UE, afin d'éviter une résurgence des tensions dans cette région. Dans le cadre de ce texte, l'Irlande du Nord continuera donc de faire appliquer les règles douanières de l'UE, et se conformera aux normes européenne sur les produits standards, rendant inutile les contrôles des marchandises en provenance d'Irlande du Nord (non-membre de l'UE) vers la République d'Irlande (membre de l'UE).
Mais, alors que l'Irlande du Nord continuera à suivre les règles de l'UE, le reste du Royaume-Uni cessera de le faire après le 31 décembre. Ce qui signifie que pour se conformer aux exigences de l'UE, des contrôles seront nécessaires sur certaines marchandises entrant en Irlande du Nord en provenance de Grande-Bretagne (Angleterre, Ecosse et Pays de Galles), créant de fait une frontière douanière en mer d'Irlande.
Une situation inacceptable pour Londres, que le projet de loi publié ce 9 septembre cherche à corriger. Selon Boris Johnson, il s'agit de «protéger [la Grande-Bretagne] contre l'interprétation extrême ou irrationnelle du protocole, qui pourrait conduire à une frontière dans la mer d'Irlande», qui selon lui «serait préjudiciable à l'intérêt de l'accord du Vendredi saint et préjudiciable aux intérêts de la paix dans [son] pays».
La Commission européenne «très préoccupée»
Côté européen, ce revirement de Londres ne passe pas. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a ainsi rapidement réagi à la publication de cette loi, estimant que les annonces du gouvernement britannique quant à ses intentions de modifier l'accord «violeraient le droit international et saperaient la confiance» entre les deux partenaires. Elle cite également la formule latine «pacta sunt servanda» (les conventions doivent être respectées), considérant qu'il s'agissait là du «fondement de futures relations prospères».
Ce revirement surprise de Londres vient ajouter de l'huile sur le feu dans les interminables négociations avec l'Union européenne sur un accord commercial post-Brexit. Il expose Londres à de «graves conséquences» de la part de Bruxelles, a averti le président du Parlement européen, David Sassoli.
Tout en défendant sa manœuvre, le gouvernement britannique pilote une huitième session de négociations hautement délicate avec l'UE, qui s'est ouverte le 8 septembre, et doit durer jusqu'au 10 septembre.
La France se prépare «à tous les scénarios»
Dans ce conditions, les négociations s'annoncent particulièrement tendues. La France se prépare «à tous les scénarios» autour du Brexit a ainsi fait savoir le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, le 9 septembre : «Nous sommes prêts à négocier de bonne foi, mais pour cela, il faut être deux.», a-t-il souligné à l'issue d'un séminaire gouvernemental à l'Elysée. Tout comme Berlin, il a appelé le Royaume-Uni au «respect plein et entier de l'accord de sortie».
Le Royaume-Uni a formellement quitté l'UE le 31 janvier, près de quatre ans après un référendum historique marquant la fin de 46 ans d'un mariage houleux. Mais il reste régi par la réglementation européenne jusqu'à fin décembre, période de transition pendant laquelle les deux parties tentent de conclure un accord de libre-échange. L'issue de ces pourparlers reste incertaine.
Le Premier ministre Boris Johnson a averti que faute de compromis d'ici au sommet européen du 15 octobre, il se satisferait d'un no deal malgré les risques de dégâts économiques en période de crise historique provoquée par la pandémie de coronavirus. «Si nous ne pouvons pas nous mettre d'accord d'ici là [le 15 octobre], je ne vois pas comment il pourrait y avoir d’accord de libre-échange entre nous, et nous devrons tous deux l'accepter et passer à autre chose», a-t-il ajouté.
Les principaux points de friction concernent l’accès des bateaux européens aux eaux de pêche du Royaume-Uni et ce que Bruxelles appelle le level playing field pour désigner des «règles jeu du équitable», c’est-à-dire, autorisant du point de vue de Bruxelles «une concurrence non-faussée». L’UE veut en effet empêcher que les entreprises britanniques puissent concurrencer les entreprises européennes en abaissant leurs normes environnementales ou sur les conditions de travail, ou en injectant de l'argent public dans les industries britanniques.