La période de transition du Brexit pourrait s’achever le 31 décembre sans accord régissant les relations futures entre l’Europe et le Royaume-Uni. Lors de son voyage à Londres, à l’occasion des commémorations de l’Appel de 18 juin, le président de la République Emmanuel Macron n’a guère pu faire avancer les négociations. Tout au plus a-t-il réaffirmé au Premier ministre britannique Boris Johnson, que la France soutenait toujours la recherche d’un accord, selon une source présidentielle citée par l’agence Reuters.
De son côté le 10 Downing street a publié une déclaration selon laquelle «le Premier ministre a salué le décision d'intensifier les pourparlers en juillet et a souligné que le Royaume-Uni ne pensait pas que cela ait un sens de prolonger les négociations jusqu’à l’automne». Une autre manière de dire que si un accord n’était pas trouvé d’ici la fin de l’été, il faudrait se résoudre à ce qu’aucun accord entre Londres et Bruxelles n’entre en vigueur au 1er janvier 2021.
En effet, cet accord doit auparavant être ratifié par les Parlements britannique et nationaux des 27 Etats membres, ce qui devrait demander de nombreuses semaines. Pour le négociateur européen Michel Barnier la date butoir des négociations est fixée au 31 octobre. Mais à Londres, Michael Gove, ministre du Cabinet office, équivalent d’un vice-Premier ministre, a déclaré qu’il n’y avait pas de date butoir (autre que la fin de l’année) tout en reconnaissant que «sans progrès significatif d’ici octobre, ce sera[it] difficile.»
L’accord de retrait ou «déclaration politique révisée» du 17 octobre 2019, signé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, qui fixe le cadre des négociations pour un accord sur les relations futures prévoit certes la possibilité de prolonger d’un an cette période de transition. Mais cette décision doit obligatoirement être prise d’ici la fin du mois de juin. Or, Boris Johnson a toujours exclu cette éventualité et il apparaît désormais peu probable qu’il change de cap au dernier moment.
Blocages sur la pêche et la concurrence
Les principaux points d’achoppement sont toujours la pêche et la question de la concurrence non-faussée ou «level playing field», selon l’expression bruxelloise. Le Royaume-Uni refuse en effet que l’accès des flottes de pêche européennes à ses eaux territoriales soit inclus dans l’accord, préférant une négociation de quota annuel. Et surtout, il refuse ce qu’impliquerait l’application de ce principe de concurrence non-faussée, c’est-à-dire un alignement sur la législation européenne des entreprises du Royaume-Uni dans de nombreux domaines, notamment sociaux et environnementaux.
Un point sur lequel l’Europe refuse également de céder, comme l’a répété le 17 juin la présidente de la Commission européenne devant le Parlement européen. «Les négociations avec le Royaume-Uni ont toujours promis d’être difficile et elles n’ont pas déçu», a ainsi déclaré Ursula van der Leyen, laquelle semble toutefois envisager que les pourparlers durent jusqu’à fin novembre, sans cacher son pessimisme. Elle a en effet dit aux parlementaires de l’union : «Nous sommes maintenant à mi-chemin de ces négociations et il nous reste cinq mois. Mais nous ne sommes certainement pas à mi-chemin du travail pour parvenir à un accord.»
L’incertitude est d’autant plus grande qu’outre la question de la pêche et de la concurrence, les deux parties n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un autre point essentiel : les organes de règlement des conflits en cas de non-respect ou d’interprétations divergentes de l’accord.
Les deux se rejettent la responsabilité de l’actuelle impasse des négociations. Bruxelles plaide que le Royaume-Uni ne peut bénéficier des mêmes avantages que quand il était membre de l’UE, tandis que Londres lui reproche un manque de «flexibilité».
Michel Barnier a prévenu, lors de la même session devant le Parlement européen, qu’il restait peu de temps pour aboutir, et a déclaré : «C‘est au Royaume-Uni de décider s’il veut ou non un accord, car les conditions pour y parvenir sont déjà connues.»
«La table des négociations est vide»
«La table des négociations est vide», a pour sa part estimé à Bruxelles, par visio-conférence, le Portugais Joao Vale de Almeida, ambassadeur de l’UE au Royaume-Uni. La veille, à Paris, dans un entretien accordé au quotidien La Croix, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian avait aussi dit redouter un no deal et soupçonné les Britanniques de «jouer la montre» estimant que ce n’était «pas toujours le moyen d’aboutir à un bon accord».
Un avis partagé par le gouvernement allemand, selon Reuters, qui affirme avoir eu accès à une note datée du 15 juin dans laquelle Berlin inciterait ses partenaires européens à se tenir prêt à un échec des négociations. Selon cette note, le Royaume-Uni tenterait d’exercer une pression sur Bruxelles afin d’obtenir le maximum de concession dans le temps plus bref possible et au dernier moment.
Selon Reuters Berlin écrit dans cette note : «Il est donc important de préserver l'unité des 27 […] et de faire clairement savoir qu'il n'y aura pas d'accord à tout prix. […] Par conséquent, il faut des maintenant préparer des plans d'urgence nationaux et européens afin d'être prêts à un no-deal accord 2.0.»
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