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Affaire Navalny : l'Allemagne retarde-t-elle «délibérément» sa coopération avec la justice russe ?

L'Allemagne menace la Russie d'une «réponse» si celle-ci ne «clarifie» pas l'affaire Alexeï Navalny. Moscou, de son côté, s'étonne que Berlin n'ait toujours pas répondu à la demande de coopération formulée par la justice russe.

Le ton des autorités allemandes s'est fait plus menaçant à l'encontre de la Russie, qu'elles accusent d'être trop passive dans l'affaire Navalny. «Fixer des ultimatums n'aide personne, mais si dans les prochains jours la partie russe ne contribue pas à clarifier ce qui s'est passé, alors nous allons devoir discuter d'une réponse avec nos partenaires», a ainsi déclaré le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, auprès du quotidien Bild. Le ministre des Affaires étrangères a ajouté que si des sanctions devaient être décidées, elles devraient être «ciblées» et n'a pas totalement exclu un impact sur le projet phare de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Union européenne. 

«J'espère en tout cas que les Russes ne nous contraindront pas à changer notre position sur Nord Stream», a déclaré le ministre allemand, tout en appelant à ne pas «réduire» le débat à ce seul dossier. Des voix en Occident, de fait, enjoignent Berlin à compromettre ce projet germano-russe en invoquant la thèse de l'empoisonnement de l'opposant russe Alexeï Navalny.

Moscou : «En n’envoyant pas de réponse, Berlin ralentit le processus d’enquête qu’il réclame»

Réagissant ce 6 septembre aux mises en garde d'Heiko Maas, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a renvoyé l'Allemagne à son propre manque de réactivité et de coopération dans l'affaire Navalny. «Si le gouvernement allemand est sincère dans ses déclarations, il devrait avoir intérêt à préparer dès que possible une réponse à la demande du parquet général de Russie. Elle a été transmise le 27 août», a rappelé la porte-parole en référence à la demande de coopération adressée par la justice de son pays à l'Allemagne au sujet de l'opposant russe Alexeï Navalny, hospitalisé dans un état grave après un malaise survenu dans un vol domestique russe, le 20 août.

«Jusqu’à présent, il n’est pas certain que l’Allemagne ne joue pas un double jeu», a également écrit Maria Zakharova sur Facebook, se demandant où était «l'urgence» sur laquelle insiste Berlin dans cette affaire. «En n’envoyant pas de réponse, Berlin ralentit le processus d’enquête qu’il réclame. Délibérément ?», suggère-t-elle encore.

Le chef de la diplomatie allemande a parlé à ce sujet de «manœuvre de diversion» de Moscou, dans la soirée, sur la chaîne de télévision publique ARD. «Et je crains que nous n'en ayons beaucoup d'autres dans les jours à venir», a-t-il dit selon l'AFP, en assurant avoir déjà donné son accord de principe à une demande d'entraide judiciaire déposée par la Russie pour avoir accès au dossier, et qui serait actuellement examinée par le parquet de Berlin.

Les Occidentaux font pression sur la Russie

Plusieurs gouvernements occidentaux ont appelé ces derniers jours la Russie à «faire la lumière» sur cette affaire, citant les résultats des tests menés en Allemagne sur l'opposant russe, qui auraient fait apparaître un empoisonnement à l'aide d'un agent neurotoxique de type Novitchok. Ce 6 septembre, le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab, est allé jusqu'à juger «très difficile» de penser à une explication «plausible» autre que celle d'une «émanation de l'Etat russe» dans l'affaire de l'empoisonnement supposé de l'opposant.

Les analyses réalisées par les médecins russes de Moscou et Omsk (où Alexeï Navalny avait été admis dans un premier temps) n'ont, pour leur part, pas révélé de traces d'empoisonnement. Partant, Moscou a appelé à de nombreuses reprises à la prudence quant aux conclusions tirées sur l'origine du malaise de l'opposant, qui a conduit à son hospitalisation dans un état grave.

En outre, selon une annonce des autorités russes du 4 septembre, le Comité d'enquête de Russie a demandé à l'une de ses branches régionales en Sibérie de se pencher sur les affirmations des proches d'Alexeï Navalny concernant la possibilité d'une tentative de meurtre.