Pour tenter de faire tomber ce qu'il appelle «le pire gouvernement de l'histoire» de son pays, Rafael Correa, ancien président de l'Equateur (2007-2017) qui vit en Belgique d'où est originaire son épouse, a annoncé le 18 août qu'il serait candidat à la vice-présidence de son pays, aux côtés d'Andrés Arauz, candidat à la présidence, à l'élection de février 2021.
Cette annonce intervient après des péripéties intérieures qui ont failli voir disparaître toute possibilité pour les corréistes de se présenter aux élections, à quelques mois de cette échéance cruciale. Le Tribunal du contentieux électoral équatorien (TCE) a finalement annulé le 1er août la décision prise le 19 juillet par le Conseil national électoral (CNE) de suspendre quatre partis politiques, dont celui de l'ancien président, le Mouvement pour l'engagement social (Fuerza compromiso social). Les corréistes avaient alors vigoureusement dénoncé, à l'adresse du monde, une tentative de «mise à mort de la démocratie» en Equateur.
Rafael Correa, qui avait décidé en 2017 de se retirer de la vie politique pour se consacrer à sa famille après dix ans au pouvoir, dit aujourd'hui se sentir poussé à prendre de nouvelles responsabilités politiques dans son pays. Son successeur et ancien vice-président, Lenin Moreno, lui a rapidement tourné le dos après son accession au pouvoir, faisant prendre à l'Equateur un virage libéral, en rupture totale avec le projet socialiste porté par Rafael Correa dont il était censé poursuivre la politique.
«J'accepte avec joie cette nouvelle responsabilité que je n'ai pas cherchée, ni même désirée», a déclaré Rafael Correa, après avoir été présenté le 18 août comme le candidat de l'Union pour l'espérance (Unes), une coalition de gauche, lors d'une transmission en direct sur Facebook. L'ancien président a ajouté que cette nouvelle responsabilité lui demandait un «grand effort» qu'il consentait à faire, ne pouvant rester «indifférent» face à la situation politico-économique de son pays qui traverse, selon lui, «la pire crise de son histoire».
Andrés Arauz, nouveau visage du Mouvement pour l'engagement social
«Le "parfait inconnu" qui connaît et aime l'Equateur et qui s'engage aujourd'hui à sortir notre peuple de la crise sanitaire et économique vous salue», a pour sa part écrit sur Twitter Andrés Arauz, candidat à la présidence du pays.
Cet homme de 35 ans, corréiste de la première heure mais peu connu du grand public, a été ministre de la Culture, de la Connaissance et du Talent humain (2015-2017) et directeur général de la Banque centrale de l'Equateur (2009-2011). Il vit actuellement au Mexique où il est doctorant en économie financière à l'université nationale autonome (UNAM).
«Il est cohérent de parier sur Andrés Arauz», a déclaré Guillaume Long, ancien ministre équatorien des Affaires étrangères. Ventant la formation du candidat Arauz et sa bonne gestion lorsqu'il était en poste, Guillaume Long estime que l'homme est le mieux indiqué pour faire face à la conjoncture actuelle du pays. «Avec Andrés et Rafael, l'espoir revient !», a-t-il écrit sur son compte Twitter. Dans un entretien au site d'information Nodal, Guillaume Long a détaillé : «Andrés Arauz est un grand connaisseur de l'architecture financière internationale, ce qui est important pour nous aujourd'hui, face à un gouvernement qui continue d'emprunter de manière agressive et qui est revenu dans le giron du Fonds monétaire international [FMI].»
Il reste cependant des étapes pour que Rafael Correa puisse concrétiser cette candidature. Outre le fait qu'il fait l'objet de procédures judiciaires contre lesquelles il a intenté des recours en cassation, l'ancien chef d'Etat doit attendre que le Conseil national électoral (CNE) l'habilite, ce qui n'est pour l'heure pas acquis. L'actuel président Lenin Moreno ayant fait adopter des réformes légales interdisant plus d'une réélection, les opposants de Rafael Correa estiment que cela lui barre l'accès à tout mandat.
Tout est désormais entre les mains du CNE qui doit statuer sur la candidature du binôme Arauz/Correa. Si celle de Correa qui se dit victime d'une persécution politico-judiciaire est validée, il bénéficiera de l'immunité et pourra rentrer dans son pays pour participer à l'élection. L'organe électoral a fait savoir la semaine dernière que si les dépôts de candidatures pouvaient se faire par internet du fait de l'épidémie de coronavirus, les candidats doivent se présenter ensuite en personne afin de les confirmer «de manière expresse, non délégable et personnelle».
Meriem Laribi