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Au moins quatre morts en Côte d'Ivoire après l'annonce de la candidature controversée de Ouattara

Alors que le président ivoirien sortant, Alassane Ouattara, a annoncé sa candidature à un troisième mandat, des manifestations sporadiques agitent le pays. En cause notamment, une question d'interprétation de la réforme constitutionnelle de 2016.

Au moins quatre personnes sont mortes les 12 et 13 août en Côte d'Ivoire, lors de violences déclenchées par la candidature controversée à un troisième mandat du président Alassane Ouattara. La situation se tend de plus en plus à l'approche du scrutin du 31 octobre, dix ans après la crise née de la présidentielle de 2010, qui avait fait 3 000 morts et vu Alassane Ouattara accéder au pouvoir.

L'opposition ainsi que des membres de la société civile avaient appelé à manifester le 13 août alors que les autorités avaient interdit tout rassemblement pour non-respect «des procédures appropriées». A Bonoua (Sud-Est) – fief de l'ex-première dame Simone Gbagbo – un jeune de 18 ans a été tué lors de heurts avec les forces de l'ordre, a annoncé à l'AFP Jean-Paul Améthier, le maire de la ville. La veille, des violences avaient fait trois morts à Daoukro – fief de l'ancien président Henri Konan Bédié, 86 ans – ancien allié de Ouattara mais qui juge sa candidature à un troisième mandat «illégale». Lui-même a été investi comme candidat à la présidentielle par le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), la principale formation d'opposition.

Les victimes ont été tuées dans des affrontements entre ses partisans et des jeunes favorables au président Ouattara. «Le calme revient timidement, mais nous déplorons trois morts» a indiqué une source sécuritaire, sous couvert de l'anonymat. Des témoins ont aussi fait état de trois morts.

D'autres heurts ont eu lieu le 13 août entre manifestants et force de l'ordre, notamment dans la capitale économique Abidjan. Elles ont rassemblé plusieurs centaines de personnes. Dans le quartier populaire de Yopougon, des affrontements entre policiers et manifestants ont paralysé la circulation. A Port-Bouet, quartier donnant sur la mer et abritant le port et l'aéroport d'Abidjan, des dizaines de manifestants ont bloqué la voie principale, certains brandissant des pancartes «ADO dégage !» en référence aux initiales du président Alassane Dramane Ouattara.

«Tant que Guillaume Soro n'est pas rentré au pays nous allons continuer»

Dans le quartier chic de Cocody, les forces anti-émeute avaient été déployées en grand nombre. Les policiers y ont interpellé un groupe de femmes chantant l'Abidjanaise, l'hymne national. La situation restait volatile dans le reste du pays. Des incidents ont notamment eu lieu à San Pedro, deuxième port du pays (Sud-Ouest).

A Adzopé, près d'Abidjan, des femmes vêtues de blanc en signe traditionnel de colère ont envahi la voie principale. Des arbres ont par ailleurs été abattus pour paralyser l'axe routier Abengourou-Agnibilekro, dans l'Est. Le 13 août à Ferkessédougou (Nord) – fief de Guillaume Soro, ancien allié de Ouattara passé dans l'opposition et aujourd'hui en exil en France – le marché hebdomadaire s'est vidé après qu'ont circulé des rumeurs sur une marche de protestation, a constaté un correspondant de l'AFP.

ADO dégage !

«Ce n'est pas fini. Tant que Guillaume Soro n'est pas rentré au pays nous allons continuer», a promis un partisan de l'ancien chef de la rébellion, visé par plusieurs procédures judiciaires mais qui ambitionne toujours d'être candidat à la présidentielle. Ces violences n'ont pas empêché le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti du président Ouattara, d'annoncer qu'il serait officiellement investi comme candidat le 22 août, lors d'un grand rassemblement à Abidjan.

«Nous allons demander à l'Etat de prendre ses responsabilités sur les événements de Bonoua, où il y a eu des morts», a déclaré un cadre du mouvement, Adama Bictogo. Le président Alassane Ouattara, 78 ans, avait été élu en 2010 face au chef d'Etat sortant, Laurent Gbagbo. Celui-ci avait refusé de reconnaître sa défaite, plongeant le pays dans la crise jusqu'à son arrestation par les forces de son rival, appuyées par les forces française et de l'ONU.

Ouattara avait été réélu en 2015, puis avait annoncé en mars passer le relais à son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly pour le scrutin d'octobre. Mais il est décédé le 8 juillet d'un infarctus. Après ce décès, Ouattara a annoncé le 6 aout qu'il briguerait finalement un troisième mandat. La Constitution limite à deux les mandats présidentiels, mais opposition et pouvoir sont en désaccord sur l'interprétation de la réforme adoptée en 2016 : les partisans de Ouattara affirment qu'elle a remis le compteur des mandats à zéro, tandis que ses adversaires jugent anticonstitutionnelle une troisième candidature.