Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, s'est rendu au Liban ce 23 juillet pour une visite de deux jours, alors que le pays du cèdre traverse une profonde crise économique. La visite du ministre français est le premier déplacement ces derniers mois d'un haut responsable occidental dans ce pays en attente d'aides financières. Jean-Yves Le Drian a tenu en fin de matinée une conférence de presse conjointe avec son homologue libanais, Nassif Hitti.
Vous connaissez l'expression française qui dit "aide-toi et Dieu t'aidera", ce que j'ai envie de dire aujourd'hui aux responsables du Liban c'est "aidez-vous et la France et ses partenaires vous aideront"
A cette occasion, le ministre a annoncé une action humanitaire pour soutenir le peuple libanais consistant en une aide d'une valeur de 50 millions d'euros pour les services publics de base. Il a également évoqué le soutien français en matière d'équipement et le soutien financier dans le domaine sanitaire durant la crise de coronavirus. Jean-Yves Le Drian a aussi promis un soutien important de la France à la jeunesse libanaise dans le domaine éducatif, rappelant notamment que la crise touche les écoles francophones et françaises. La France a ainsi déployé un plan d'urgence pour soutenir l'enseignement français dans ce pays.
Le chef de la diplomatie a ensuite insisté sur le maintien du soutien de la France à l'armée libanaise, «colonne vertébrale de cet état» et mis en garde les différentes forces politiques dans ce sens en appelant à une «dissociation du pays des crises qui traversent la région».
«Un risque d'effondrement»
Quelques jours auparavant, le 8 juillet devant le Sénat à Paris, Jean-Yves le Drian avait tenu des propos alarmistes au sujet de ce pays : «Aujourd'hui, il y a un risque d'effondrement. Il faut que les autorités libanaises se ressaisissent, et je me permets de dire ici à nos amis libanais : vraiment nous sommes prêts à vous aider mais aidez-nous à vous aider, bon sang !». En défaut de paiement, le Liban a adopté un plan de relance fin avril et promis des réformes.
La dépréciation de la monnaie libanaise a précipité le Liban dans la pire crise économique de son histoire entraînant dans son sillage une flambée des prix, des licenciements à grande échelle et des restrictions bancaires sur les retraits et les transferts à l'étranger, ce qui plonge la population dans un grand désarroi et provoque d'énormes manifestations.
Près de la moitié de la population libanaise vit actuellement dans la pauvreté et 35% de la population active est au chômage, selon des statistiques officielles, citées par l'AFP. La situation chaotique a déclenché en octobre 2019 un soulèvement populaire inédit et récurrent contre l'intégralité de la classe politique accusée de corruption et d'incompétence.
«Aidez-vous et la France et ses partenaires vous aideront»
Pour obtenir une aide financière, les autorités libanaises ont entamé des négociations à la mi-mai avec le Fonds monétaire international (FMI). Le 14 mars, même le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, n'avait pas exclu un tel soutien tout en affirmant que toute éventuelle aide du FMI à son pays devrait être assortie de «conditions raisonnables», loin de toute velléité de «tutelle» étrangère. Mais à ce jour, le processus de négociation qui portait sur 10 milliards de dollars d'aide de l'organisme financier international est toujours au point mort. Le FMI n'est en effet pas réputé pour fournir des aides inconditionnées. Cette aide est pourtant cruciale pour les autorités car elle pourrait aider à rétablir la confiance des créanciers. Et permettre de débloquer 11 milliards de dollars promis en 2018 lors d'une conférence de soutien au Liban parrainée par Paris (CEDRE).
A ce sujet, Jean-Yves Le Drian a évoqué lors de sa conférence de presse une relance des négociations avec le FMI conditionnée par un audit de la Banque du Liban. Il a aussi insisté sur l'urgence et la nécessité de «s'engager dans la voie des réformes», notamment du secteur de l'électricité en estimant au passage que «ce qui a été fait jusqu'à présent dans ce domaine n'est guère encourageant». Le chef de la diplomatie française s'est en outre illustré par une leçon de morale aux autorités libanaises en matière de lutte contre la corruption, appelant à la réalisation «d'actes concrets» et assurant néanmoins que le président Aoun s'était «exprimé fortement à ce sujet» avec lui ce même jour, dans la matinée.
La conclusion du discours de Jean-Yves Le Drian s'est voulu percutante. Il a incité les autorités libanaises à faire «leur part du chemin». Risquant une analogie pour le moins surprenante, le ministre français a conclu son intervention en déclarant : «Vous connaissez l'expression française qui dit "aide-toi et Dieu t'aidera", ce que j'ai envie de dire aujourd'hui aux responsables du Liban c'est "aidez-vous et la France et ses partenaires vous aideront".»