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Chili : vote historique pour le droit à puiser dans l'épargne-retraite

L'Assemblée nationale chilienne a adopté une loi très attendue par la population autorisant les citoyens à puiser dans leur épargne-retraite obligatoire, un système hérité de l'ère Pinochet. Le texte doit encore être validé par le Sénat.

La joie de la population est grande au Chili, où la Chambre des députés a adopté le 15 juillet une loi historique autorisant les citoyens à puiser jusqu'à 10% de leur épargne-retraite, un système de cotisation individualisé relevant principalement du secteur privé, hérité de l'époque du dictateur Augusto Pinochet.

Cette mesure vise à réduire l'impact de la crise économique, aggravée par la pandémie de coronavirus. Le régime de retraites en vigueur au Chili était en effet déjà l'un des principaux points des revendications formulées lors de la flambée sociale qui avait débuté en octobre 2019.

Le texte, qui constitue un sérieux revers pour le président de droite Sebastian Piñera, qui y est opposé, doit encore être examiné par le Sénat, où le gouvernement est minoritaire. Soutenu par un certain nombre de députés de la coalition gouvernementale de droite, le texte a été adopté par 95 voix pour, 36 abstentions et 22 contre, après quatre heures de débat et au terme d'une nuit de protestations dans les rues du pays.

A la suite du vote, des scènes de liesse accompagnées de concerts de casseroles, d'applaudissements, de klaxons de voitures et de cris de joie «comme si c'était la fin d'une Coupe du monde» ont été entendus dans plusieurs quartiers de la capitale, Santiago, après l'approbation de la loi. 

Insolite : pour exprimer sa joie à l'issue du vote, en pleine Assemblée, une députée du Parti humaniste (opposition), Pamela Jiles, a revêtu une cape rose fuchsia et s'est mise à courir, avec des éventails de la même couleur dans chaque main, au milieu de ses collègues en costume-cravate, visiblement médusés. Sa botte orthopédique, qu'elle porte en raison d'une blessure, n'a pas empêché la députée d'arpenter l'hémicycle à toute vitesse, de long en large.

Pamela Jiles, surnommée «La Abuela» (la grand-mère), avait promis la veille qu'en cas de vote favorable, elle fêterait cela avec des plumes. Elle a, elle-même, partagé des détournements humoristiques de cette scène sur son compte Twitter. Le happening n'a pas manqué de déclencher l'hilarité sur les réseaux sociaux.

Coup dur pour Sebastián Piñera

Le processus d'adoption de ce texte suivra son cours avec son examen par le Sénat, ce qui représente un coup dur pour le gouvernement de Sebastián Piñera. En cas d'approbation au Congrès, le chef de l'Etat aura le choix entre opposer son veto à la proposition et l'accepter définitivement.

Le régime de retraites chilien, datant de la période de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), s'appuie sur un système de capitalisation totalement individualisée pour les salariés : il oblige les travailleurs à verser 10% de leur salaire sur un compte individuel géré par des Administrateurs de fonds de pensions (AFPs), des organismes financiers privés chargés de les faire fructifier. Ce régime a plongé de nombreux Chiliens dans la pauvreté, les condamnant à des retraites inférieures au salaire minimum (301 000 pesos, 375 euros) alors qu'en théorie, il leur promettait de toucher 70% de leur dernier salaire. De précédentes tentatives de réforme s'étaient heurtées à l'opposition de la droite et du patronat.

Les députés d'opposition à l'origine du projet de loi, qui prévoit le retrait d'un maximum de 5 300 dollars, jugent cette mesure essentielle pour venir en aide à la classe moyenne, qui n'a bénéficié jusque-là d'aucune aide. 

Meriem Laribi