Malgré l'absence de confrontation directe entre Bamakois et forces de sécurité tirant à balles réelles comme les jours précédents, la tension demeurait palpable le 12 juillet en fin d'après-midi à Bamako, où les heurts ont déjà fait onze morts et plusieurs dizaines de blessés depuis le 10 juillet, selon le dernier bilan donné par un responsable des urgences d'un hôpital de la capitale malienne, cité par l'AFP.
Plusieurs quartiers ont été le théâtre de regroupements spontanés de centaines de personnes dans la rue, des axes importants étant coupés par des barrages ou des pneus brûlés, et des saccages ayant eu lieu, comme aux locaux du Haut conseil des collectivités et au siège de quartier du parti présidentiel, d'après des correspondants de l'AFP.
«Dissolution de fait» de la Cour constitutionnelle
Pour tenter d'apaiser les tensions, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a annoncé le 11 juillet au soir la «dissolution de fait» de la Cour constitutionnelle.
Car en dehors du président lui-même, dont les manifestants réclament la démission, la Cour constitutionnelle focalise elle aussi la colère depuis qu'elle a invalidé une trentaine des résultats des élections législatives de mars-avril. Le renvoi de ses neuf juges figurait parmi les exigences de la coalition composée de chefs religieux et de personnalités du monde politique et de la société civile, qui orchestre la mobilisation.
Dans une brève allocution télévisée au ton grave, le chef de l'Etat a indiqué qu'il abrogerait les décrets de nomination des juges de la Cour encore à leur poste, ce qui revient selon ses mots à une «dissolution de fait». Les nouveaux juges devraient être nommés rapidement, ce qui devrait ouvrir la voie à des législatives partielles dans les circonscriptions dont la Cour constitutionnelle a invalidé les résultats.
IBK, 75 ans, président depuis 2013 et réélu en 2018, a promis que les coupables de violences seraient punis. Mais il a aussi réitéré son offre de dialogue et assuré que le prochain gouvernement, en cours de constitution, serait «consensuel, composé de cadres républicains et patriotes et non de casseurs et de démolisseurs du pays».
La «désobéissance civile» face à une crise multidimensionnelle
Cependant, depuis le début de la crise, aucune des ouvertures du président, y compris l'offre d'un gouvernement d'union nationale, n'a apaisé la contestation qui, au contraire, a pris sa tournure la plus violente le 10 juillet, avec des attaques contre des symboles du pouvoir aussi éminents que le Parlement et la télévision nationale. Pour la troisième fois en à peine plus d'un mois, le mouvement dit du 5-Juin avait fait descendre dans la rue des milliers de Maliens pour réclamer la démission du président. Mais cette fois, le mouvement, frustré par les réponses successives apportées par le président, avait décidé d'entrer en «désobéissance civile».
Redoutée depuis plusieurs semaines, cette escalade à l'issue imprévisible alarme par ailleurs les alliés du Mali, inquiets d'un élément déstabilisateur de plus dans un pays confronté au djihadisme et à une série de défis majeurs, dans une région elle-même tourmentée.
Le mouvement canalise une multitude de mécontentements dans ce qui est l'un des pays les plus pauvres du monde : mécontentement contre la dégradation sécuritaire et l'incapacité à y faire face après des années de violence, marasme économique et défaillance des services de l'Etat.