La Syrie s'apprête à endurer de nouvelles sanctions américaines : le 17 juin doit entrer en vigueur la loi «César», qui prévoit de nouveaux efforts, de la part des Etats-Unis, pour priver le gouvernement syrien de ressources. Ce texte implique, notamment, le gel de l'aide à la reconstruction du pays et des sanctions contre le gouvernement syrien et contre des entreprises travaillant avec celui-ci, tant que les responsables supposés «de la mort d’innombrables civils et de nombreuses atrocités» n'auront pas été traduits en justice. Cette loi vise aussi des entités russes et iraniennes qui travaillent avec les autorités syriennes. A travers ces mesures punitives, l'administration américaine entend «favoriser la responsabilisation du régime d’Assad».
Promulguée en décembre 2019 par la présidence américaine, cette loi «César» (Caesar Syria Civilian Protection Act of 2019) tient son nom d'un ancien photographe de la police militaire syrienne qui a quitté le pays en 2013, emportant avec lui des dizaines de milliers d'images prises dans les prisons du pays. «Son audition, incognito, devant le Congrès américain en 2014 avait été à l'origine [du texte de loi]. Lors d'une apparition en mars 2020 au Sénat des Etats-Unis [...] le transfuge a appelé Washington à passer à l'acte pour sanctionner Damas», note l'AFP.
Du «terrorisme économique», selon Damas
La diplomatie syrienne a plusieurs fois condamné l'initiative américaine, soulignant que les sanctions qui en découlaient ne feraient qu'aggraver les difficultés auxquelles sont confrontés les Syriens. Début juin, par exemple, l'agence de presse syrienne Sana rapportait les propos d'une source au ministère des Affaires étrangères, selon laquelle Damas «condamn[ait] fermement le renforcement des mesures coercitives imposées par l'administration américaine à travers la loi César», et qui fustigeait un «terrorisme économique». Cette source faisait porter à Washington, avec l'adoption de cette loi, «une responsabilité essentielle dans les souffrances des Syriens concernant leur gagne-pain». «Les efforts concertés des Syriens pour protéger l'économie nationale garantiront l'échec des effets de cette mesure», faisait valoir cette source, estimant que le texte se basait «sur des mensonges et des allégations».
Concernant la fragilité économique actuelle de la Syrie, l'AFP relevait, dans une dépêche datée du 8 juin, que «ces derniers mois, la livre syrienne a connu une dégringolade historique face au dollar et l'inflation a explosé en Syrie».
Ces efforts stériles échoueront, de même que les tentatives d'imposer une volonté extérieure au peuple syrien par la force des armes a déjà échoué
En outre, l'ambassadeur de Russie à Damas, Alexandre Efimov, avait condamné le 12 juin la loi César. «Ni la Russie, qui tout au long de son histoire, a enduré beaucoup d'épreuves plus grandes que celle-ci, ni la Syrie, qui a survécu à de nombreuses années de guerre brutale contre le véritable terrorisme, ne peuvent être réprimées par la terreur économique», a déclaré l'ambassadeur russe, cité par l'agence Ria Novosti, avant de poursuivre : «Ces efforts stériles échoueront, de même que les tentatives d'imposer une volonté extérieure au peuple syrien par la force des armes a déjà échoué.» Et le diplomate russe de souligner la position de son pays dans le contexte actuel : «La Russie n’abandonnera pas la Syrie [avec qui] nous avons réussi à atteindre le plus haut niveau de confiance et de compréhension.»
Reconstruction syrienne, enjeux politiques
Neuf ans après le début d'une longue guerre qui a ravagé la Syrie, la recherche de potentiels acteurs capables d'investir dans la reconstruction du pays n'est pas une mince affaire pour Damas. Accusé par l'Occident de crimes contre son propre peuple, le gouvernement syrien voit toujours sa légitimité contesté par de nombreuses chancelleries occidentales qui appellent à une transition politique.
Néanmoins, outre ses alliés traditionnels parmi lesquels la Russie et l'Iran, la Syrie a élargi ses relations bilatérales après une longue période difficile sur le plan diplomatique. Le Monde Diplomatique relevait récemment des rapprochements de Damas avec «les pétromonarchies du Golfe, l’Égypte et le Maghreb».
Sur le plan intérieur, Genève a accueilli en octobre 2019 la première réunion du Comité constitutionnel, dont les membres sont chargés de rédiger la prochaine Constitution syrienne, le cadre d'un processus politique impliquant de nombreux acteurs. Ce comité s'est composé de 150 personnes – 50 choisies par le gouvernement, 50 par l’opposition et 50 par l’ONU afin d’y inclure des délégués «indépendants» appartenant à la société civile – et est désormais considéré par de nombreux acteurs internationaux comme la pierre angulaire d’une résolution politique du conflit.
Fabien Rives