A l'appel du parti de droite radicale Vox, ils étaient des milliers le 23 mai à manifester en voiture dans les grandes villes espagnoles. Leur but : dénoncer la gestion de la crise du coronavirus par le gouvernement de coalition de gauche, dirigé par le socialiste Pedro Sanchez.
[Le gouvernement] a été incapable de protéger son peuple, ses anciens et ses soignants
Des milliers de véhicules arborant des drapeaux du royaume d'Espagne ont ainsi défilé à Madrid, Barcelone, Séville, Malaga, Valence, Cordoue ou encore Bilbao. En tout, le parti conservateur et anti-immigration avait appelé au rassemblement dans une cinquantaine de villes du pays. Les manifestants ont appelé à la démission du gouvernement en place et à la «liberté».
Sur Twitter, le leader de Vox, Santiago Abascal, s'est réjoui que des «milliers de véhicules» aient «envahi les rues de toutes les villes d'Espagne contre le gouvernement de la mort et de la ruine». «Nous retrouverons notre liberté. Et nous retrouverons espoir à l'avenir», a-t-il écrit dans une autre publication sur le réseau social. «[Ce gouvernement] a été incapable de protéger son peuple, ses anciens et ses soignants», a dénoncé le chef de parti, depuis un bus à impériale lors de la manifestation de Madrid.
Pedro Sanchez à la tête d'une coalition fragile
Le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez, dont le gouvernement repose sur une coalition fragile avec le parti de gauche radicale Podemos, est accusé par ses opposants de défaillances dans la gestion de la crise, qui a fait plus de 28 000 morts dans le pays. Pedro Sanchez, qui n'a pas la majorité absolue au Parlement, a réussi de justesse à obtenir la prolongation de l'état d'alerte (une mesure d'exception décrétée le 14 mars) jusqu'au 6 juin. Ce statut permet à l’exécutif de jouir de pouvoirs élargis pour limiter la circulation durant le déconfinement, planifié par phases jusqu'à fin juin.
Mais à mesure que la menace sanitaire semble refluer, ces mesures de restriction, au fort impact économique et social, gagnent en impopularité au sein d'une partie de la population.
Autre sujet de grief pour les manifestants : un accord passé par le gouvernement avec le parti indépendantiste basque EH Bildu afin qu'il s'abstienne durant le vote sur l'état d'alerte. Ce parti est en effet honni par une partie de la population espagnole (et en particulier la droite) qui le considère comme l'héritier du parti Batasuna, interdit pour avoir été dans le passé le bras politique du groupe armé séparatiste ETA.
Des concerts de casseroles (les «caceroladas») en signe de protestation se sont fait entendre chaque soir dès le mois de mars aux fenêtres des villes confinées. A l'appel du parti Podemos, membre de la coalition au pouvoir, ils étaient apparus lors d'un discours à la nation du roi Felipe VI, dont le message prônant l'«unité» a été brouillé par les accusations de corruption qui pèsent sur son père et ex-monarque Juan Carlos, rapporte le Huffington Post. Puis ces manifestations à domicile ont été encouragées par Vox, qui ciblait lui le gouvernement de gauche, et ont continué durant toute la phase de confinement. Ces manifestants aux casseroles, selon l'AFP, accusent l'exécutif de bâillonner les libertés individuelles et d'incompétence face à la pandémie.
Pedro Sanchez, qui n'a réussi à former un gouvernement avec Podemos qu'en janvier dernier après huit mois de blocage politique, a annoncé le 23 mai plusieurs mesures de reprise comme le retour du championnat de football et a assuré que les touristes étrangers pourraient venir cet été dans le pays. Il a également annoncé qu'un revenu minimum vital serait mis en place à partir de juin pour 850 000 foyers, pour un coût annuel total d'environ trois milliards d'euros, alors que des milliers de personnes ont été contraintes de recourir aux banques alimentaires pour la première fois. Enfin, le chef du gouvernement a annoncé un deuil officiel de dix jours en hommage aux victimes de l'épidémie, à partir du 26 mai.
Le 25 mai, Madrid et Barcelone pourront rouvrir terrasses de bars, hôtels et musées, avec de strictes limitations du nombre de clients, rejoignant ainsi les autres régions qui avaient déjà entamé le déconfinement deux semaines plus tôt. Les zones les plus avancées dans le déconfinement, couvrant quelque 22 millions d'Espagnols, passeront à l'étape supérieure, avec la réouverture des plages, piscines et cinémas. Le masque est en outre obligatoire dans la rue depuis le 21 mai.