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Caracas et Téhéran se disent «prêts à tout» en cas d'action américaine sur les pétroliers

Plusieurs pétroliers iraniens font route vers les côtes vénézuéliennes, zone où la marine américaine est lourdement présente. L'Iran et le Venezuela mettent en garde contre une confrontation avec Washington, qui pourrait tenter d'intervenir.

«Nous sommes prêts à tout et à tout moment» : dans une allocution télévisée le 20 mai, le président du Venezuela Nicolas Maduro a mis en garde, alors que Caracas s'apprête à recevoir une importante cargaison d'essence et de produits pétroliers envoyée par l'Iran, au grand dam de Washington.

Afin d'éviter que les Etats-Unis, ennemis déclarés tant de l'Iran que du Venezuela, ne s'immiscent dans la livraison, Caracas a fait savoir que son armée escorterait les cinq pétroliers iraniens qui ont quitté le pays depuis quelques jours.

«Ces navires, lorsqu'ils entreront dans notre zone économique exclusive, seront escortés par des navires et des avions des forces armées bolivariennes, pour les accueillir et remercier le peuple iranien pour sa solidarité et sa coopération», a ainsi expliqué Vladimir Padrino Lopez, ministre vénézuélien de la Défense, à la télévision publique.

Et pour cause, un haut responsable de l'administration Trump, sous couvert d'anonymat, avait affirmé à Reuters plus tôt que les Etats-Unis envisageaient des mesures en réponse à la livraison pétrolière iranienne au Venezuela.

Tandis que leur pays, frappé de plein fouet par la crise du Covid-19, connaît des difficultés d'approvisionnement en carburant, les autorités vénézuéliennes n'ont pas révélé la date précise de la livraison iranienne. Si le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole au monde, la production y est en chute libre, en raison principalement de l'embargo et des lourdes sanctions économiques imposées par Washington.

L'Iran met aussi en garde contre un possible acte de «piraterie»

Prenant les devants quant à un éventuel incident armé impliquant les Etats-Unis, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a lancé un avertissement très clair, dans une lettre adressée le 17 mai au secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.

Expliquant qu'une action militaire américaine visant à empêcher la transaction entre Téhéran et Caracas constituerait «une forme de piraterie», Mohammad Javad Zarif mettait en garde : «[L'Iran] se réserve le droit de prendre toute mesure appropriée et nécessaire [...] afin de sécuriser ses droits et intérêts légitimes face à de telles politiques d'intimidation et pratiques illégales.»

Le ministre iranien, évoquant une «dangereuse escalade» imputable à Washington, poursuivait : «Cette diplomatie hégémonique canonnière menace sérieusement la liberté du commerce international et de la navigation.»

Si l'inquiétude de Téhéran est palpable, c'est que l'agence de presse publique Fars a affirmé le 16 mai être en possession d'informations selon lesquelles quatre navires de guerre américains auraient été déployés dans les Caraïbes en vue d'une «possible confrontation avec les pétroliers iraniens».

Les autorités étasuniennes, elles, sont peu loquaces sur la question, mais leur armée est bel et bien présente dans la région des Caraïbes, où Washington a déployé des navires, officiellement afin de lutter contre le trafic de drogue. L'opération américaine, en coopération avec des pays comme la Colombie ou le Honduras, vise notamment Nicolas Maduro, que Washington accuse de «narcoterrorisme».

Mais le successeur d'Hugo Chavez (lui-même déjà victime d'un coup d'Etat soutenu par Washington en 2002), estime pour sa part que ce qui représente le «plus grand déploiement militaire américain dans la région des trente dernières années» vise à enclencher dans la région un «coûteux, sanglant conflit militaire à durée indéterminée». 

«Je vous demande de tout cœur de ne pas laisser votre pays être entraîné dans une nouvelle guerre sans fin, un autre Vietnam, un autre Irak, mais cette fois près de chez vous», avait ainsi exhorté le leader socialiste, dans une lettre ouverte aux citoyens des Etats-Unis début avril, soulignant : «Les peuples des Etats-Unis et du Venezuela ne sont pas si différents que leurs mensonges essaient de nous le faire croire.»

Louis Marechal