International

Corée du Sud : surfant sur sa gestion de l’épidémie de coronavirus, Moon remporte les législatives

La formation présidentielle a remporté haut la main les élections législatives en Corée du Sud. Un retournement de situation pour Moon Jae-in, désormais loué pour sa gestion de la crise du Covid-19.

Le parti de centre-gauche au pouvoir en Corée du Sud a remporté une éclatante victoire aux législatives. Selon des résultats encore partiels publiés ce 16 avril, le président Moon Jae-in, naguère contesté, a inversé la tendance grâce à sa gestion de l'épidémie de Covid-19. Son parti obtient la majorité absolue à l'Assemblée nationale pour la première fois en 12 ans, au terme d'un scrutin marqué, malgré la menace du nouveau coronavirus, par une participation record (66,2%), la plus forte pour des législatives depuis 28 ans.

C'est un singulier retournement de fortune pour le chef d'Etat, élu en 2017 dans la foulée du scandale qui avait précipité la destitution et l'incarcération de Park Geun-hye. Il y a quelques mois, il était malmené par des affaires d'abus de pouvoir et une croissance économique atone, mais également critiqué pour un rapprochement avec le voisin du nord que certains jugent être un «fiasco». Toutes ces considérations auront donc été balayées par le contexte sanitaire et l'évaluation très positive de sa gestion de la crise sanitaire.

La «diplomatie du coronavirus»

Les législatives se sont muées en un référendum sur la réponse du président Moon à l'épidémie, qui est citée en exemple dans le monde entier, au moment où la Corée du Sud exporte des tests vers une vingtaine de pays. La confiance des électeurs a en outre été dopée par la «diplomatie du coronavirus» du Sud-Coréen, qui a largement communiqué sur ses entretiens téléphoniques avec nombre de dirigeants étrangers sur la meilleure façon de lutter contre le coronavirus, avance Minseon Ku, politologue à l'université d'Etat de l'Ohio (Etats-Unis).

Selon elle, le président a réussi à présenter la pandémie comme une «opportunité pour la Corée du Sud de restructurer son économie - en capitalisant sur des industries comme l'IA [intelligence artificielle] et la biopharmacie». Ceci, «couplé à la reconnaissance internationale de la Corée du Sud» pour sa gestion de l'épidémie, a convaincu les électeurs.

La Corée du Sud était fin février le deuxième plus important foyer de contamination au monde après la Chine. Mais elle est parvenue à inverser la tendance grâce à une stratégie de dépistage massif et d'investigation poussée sur les personnes entrées en contact avec les malades. Le 15 avril, Séoul a pour la septième journée d'affilée annoncé un bilan quotidien inférieur à 40 nouvelles contaminations (27 cas en 24 heures). Au total, 11 000 personnes ont été infectées en Corée du Sud, et 225 sont mortes. La menace sanitaire demeure toutefois, comme l'illustraient les consignes drastiques imposées à des électeurs tenus de porter le masque et de voter avec des gants.

Un transfuge du nord élu

Avant même les résultats complets, le Parti démocratique de Moon totalise 163 sièges sur les 300 de l'Assemblée nationale. Sans compter les 17 sièges obtenus par un petit parti allié. La principale formation d'opposition, le Parti pour un avenir uni (conservateur), et un parti allié, ne disposent pour l'heure que de 103 sièges. La majorité absolue permettra au président d'avoir les mains libres pour la fin de son mandat unique de cinq ans.

L'opposition est dévastée, deux de ses figures n'ayant même pas été réélues : l'ex-Premier ministre Hwang Kyo-ahn et l'ancien chef de file parlementaire Na Kyung-won. En revanche, l'ancien diplomate nord-coréen Thae Yong Ho, qui avait fait la une des journaux du monde entier en faisant défection en 2016, alors qu'il était le numéro 2 de l'ambassade de Corée du Nord en Grande-Bretagne, a été élu dans le quartier chic de Gangnam, à Séoul, sous les couleurs de l'opposition. Thae Yong Ho, qui sera le premier ancien responsable nord-coréen à siéger au Parlement de Corée du Sud, n'a pas pu retenir ses larmes, chantant l'hymne sud-coréen quand sa victoire a été confirmée.

Reste que la question des relations avec Pyongyang demeure brûlante. Si la pandémie a rendu inaudibles les critiques de l'opposition en la matière, il serait «dangereux» que le président sud-coréen considère que cette victoire «justifie des politiques étrangères qui ne fonctionnent pas», a averti Leif-Eric Easley, professeur à l'Université Ewha de Séoul. «La politique de Séoul envers Pyongyang s'est heurtée à des insultes diplomatiques et des essais de missiles. Ménager la Chine a donné peu de résultats, et hausser le ton avec le Japon n'a pas fait avancer les intérêts sud-coréens», a-t-il ajouté.