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Au Brésil, le coronavirus suscite troubles politiques et diplomatiques

Depuis le début de la propagation du Covid-19, le président Jair Bolsonaro a pour unique ligne de conduite la dénonciation de l'«hystérie» autour du coronavirus. L'un de ces fils a de son côté provoqué une crise diplomatique avec la Chine.

Au moment où les dirigeants de la planète livrent une bataille contre le coronavirus («une guerre», pour Emmanuel Macron), Jair Bolsonaro fait entendre une voix totalement discordante, provoquant malaise et inquiétude au Brésil, y compris dans son propre camp. 

Portant un masque de protection, il est apparu le 18 mars en conférence de presse avec un aréopage de ministres, pour évoquer pour la première fois «une question grave», qui ne doit toutefois pas entraîner «la panique». De cette intervention sans annonce nouvelle, les commentateurs ont notamment noté que Jair Bolsonaro a enlevé et remis une douzaine de fois son masque, pour le laisser finalement pendre à une oreille.

Le 17 mars, il avait critiqué la mobilisation de gouverneurs et de maires contre l'arrivée d'une crise sanitaire potentiellement dramatique pour des dizaines de millions de Brésiliens, vivant entassés dans de vastes métropoles et favelas.

Il avait évoqué, encore, «une certaine hystérie» lorsque le gouverneur de Rio de Janeiro, Wilson Witzel, l'un de ses probables rivaux à la présidentielle de 2022, et le maire de Sao Paulo, Bruno Covas, avaient annoncé l'état d'urgence.

«Ces mesures vont porter préjudice à notre économie [...] qui allait bien», a lancé le président.

Le ministre de la Santé en désaccord avec le chef d'Etat brésilien

Au sein du gouvernement, le ministre de la Santé et médecin Luiz Henrique Mandetta n'est pas en phase avec Jair Bolsonaro, ce qui lui vaut l'inimitié présidentielle, selon les commentateurs. Pour lui, le Brésil est «au pied d'une montagne» et «la hauteur de la montagne» dépendra «du comportement de la population», sommée d'éviter les rassemblements.

Sous la pression des présidents de la Chambre des députés, du Sénat, de la Cour suprême et de milieux d'affaires très inquiets, Jair Bolsonaro a tout de même demandé au Parlement de déclarer «l'état de calamité publique» pour libérer des fonds. Le Brésil, qui, contrairement à ses voisins, avait maintenu ses frontières ouvertes, les a fermées le 19 mars, mais seulement au niveau terrestre.

La crise du coronavirus, responsable de quatre morts, a fait chuter la Bourse de Sao Paulo de 44% depuis fin janvier et sombrer le réal, la monnaire brésilienne.

L'opposition proteste, Jair Bolsonaro face à une demande de destitution

Les provocations du président sont très mal passées ces derniers jours. Le 15 mars, il avait serré les mains de sympathisants alors qu'il aurait dû être confiné après un voyage aux Etats-Unis avec sa délégation dont 17 membres sont contaminés. Selon la presse, il aurait été en contact avec 272 partisans. «Une démonstration d'irresponsabilité politique et personnelle», pour le journal O Globo.

Ciro Gomes, ex-candidat de centre gauche à la présidentielle, a férocement dénoncé sur Twitter cette «crapule irresponsable qui [les] gouverne». «Dans deux semaines va commencer un pic de contaminations au Brésil ! Mets-toi au boulot, pauvre type !», a-t-il ajouté en s'adressant à Jair Bolsonaro.

L'inquiétude a gagné jusque dans le propre camp de Jair Bolsonaro, où Janaina Paschoal, députée de l'Etat de Sao Paulo, a souhaité qu'il quitte sa charge pour «crime contre la santé publique». Une demande de destitution a été déposée par le parti d'opposition Rede.

Le Brésil se met la Chine à dos

La situation de Jair Bolsonaro s'est aussi compliquée sur la scène internationale, avec une crise diplomatique avec la Chine. Son fils, le député Eduardo Bolsonaro, a en effet accusé le 18 mars la Chine d'avoir dissimulé des informations sur la propagation du Covid-19, comme l'avait fait, selon lui, «la dictature soviétique» lors du désastre nucléaire de Tchernobyl en 1986. «Une fois de plus, une dictature a préféré dissimuler quelque chose de grave pour éviter les critiques, alors qu'elle aurait pu sauver d'innombrables vies», a écrit les troisième fils de Jair Bolsonaro sur Twitter.

En conséquence, Pékin a exigé des excuses. Dans un tweet écrit en chinois et en portugais, l'ambassadeur de Chine au Brésil, Yang Wanming, a réclamé le 19 mars, à Eduardo Bolsonaro, «des excuses au peuple chinois».

L'ambassade de Chine au Brésil a aussi enchéri officiellement contre Eduardo Bolsonaro : «Au retour de votre séjour à Miami, vous avez attrapé un virus mental, qui a infecté l'amitié entre nos peuples.»

Le ministre brésilien des Affaires étrangères Ernesto Araujo a toutefois publié un communiqué expliquant que les déclarations d'Eduardo Bolsonaro «ne reflétaient pas la position du Brésil».

Pour apaiser le froid diplomatique, le ministre brésilien de la Santé s'est pour sa part offusqué de la xénophobie visant les Chinois en raison de l'épidémie de coronavirus dans le monde. En réponse, l'ambassade chinoise a apporté son soutien à Luiz Henrique Mandetta, jugeant ses paroles comme «sages».

La Chine est le premier partenaire commercial du Brésil, qui y exporte massivement des matières premières, notamment du minerai de fer, de la viande et du soja.