International

Accord entre Etats-Unis et Taliban entériné par l'ONU : vers la fin de 18 ans de guerre ?

L'accord conclu le 29 février entre Washington et les Taliban afghans a été adoubé par le Conseil de sécurité de l'ONU, laissant entrevoir la fin de dix-huit années de guerre. De son côté, Kaboul s'est dit prêt à libérer 5 000 prisonniers taliban.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a approuvé le 10 mars à l'unanimité une résolution américaine entérinant l'accord conclu le 29 février entre les Etats-Unis et les Taliban afghans, une approbation rare dans cette enceinte s'agissant d'une entente entre un pays étranger et une guérilla.

La décision de l'ONU est également surprenante dans la mesure où le Conseil de sécurité a approuvé un accord comportant deux annexes secrètes liées à la lutte antiterroriste auxquelles ses membres n'ont pas eu accès.

Vers «un accord de paix complet et durable qui mettrait fin à la guerre au bénéfice de tous les Afghans» ?

L'accord adoubé engage un retrait total des forces étrangères, dont l'armée américaine, d'Afghanistan, sous 14 mois, en échange d'une promesse par les Taliban de bannir tout acte de terrorisme et de participer à des négociations avec le gouvernement de Kaboul avec lequel ils refusent jusqu'ici de parler. «Le Conseil de sécurité exhorte le gouvernement afghan à faire avancer le processus de paix via notamment une participation à des négociations inter-afghanes, avec une équipe de négociateurs diverse et inclusive composée de dirigeants politiques et de la société civile, incluant des femmes», souligne la résolution, négociée pendant une semaine.

Il lui demande aussi de s'engager dans des négociations avec les Taliban pour parvenir à «un cessez-le-feu permanent et complet». L'accord conclu le 29 février prévoyait un début de discussions ce 10 mars, à priori à Oslo, mais cette échéance n'a pas été respectée pour différentes raisons. Parmi elles, la grave crise institutionnelle déclenchée le 9 mars avec la double prestation de serment par le chef d'Etat Ashraf Ghani et son principal adversaire Abdullah Abdullah comme nouveau président. Néanmoins, la résolution accueille «favorablement» l'accord du 29 février et demande «à tous les Etats d'apporter leur plein soutien à la négociation d'un accord de paix complet et durable qui mettrait fin à la guerre au bénéfice de tous les Afghans».

En outre, alors que la première version du texte de Washington omettait de mentionner les femmes, la résolution adoptée en parle à plusieurs reprises. Le texte souligne ainsi «l'importance [dans des négociations] d'une participation effective et significative des femmes, des jeunes et des minorités et affirme que tout règlement politique doit protéger les droits de tous les Afghans, y compris les femmes, les jeunes et les minorités».

Enfin, le Conseil de sécurité se dit «prêt dès le début des négociations inter-afghanes à revoir les sanctions» imposées par l'ONU à des individus ou des groupes depuis 2011 «afin de soutenir le processus de paix».

Kaboul libèrera 5 000 prisonniers taliban contre une baisse «importante» des violences 

De son côté, le gouvernement afghan s'est dit prêt le 11 mars à libérer progressivement 5 000 prisonniers taliban en échange d'une réduction «importante» des violences en Afghanistan, ouvrant la voie à des pourparlers historiques entre Kaboul et les insurgés.

Cependant, Suhail Shaheen, l'un des porte-paroles des Talibans, a fait savoir à l'AFP un peu plus tard le 11 mars qu'il n'était pas de cet avis et rejetait l'offre de Kaboul. «Les 5 000 prisonniers doivent être libérés en même temps», a affirmé Suhail Shaheen, ajoutant que «cela [devra] se passer avant les discussions inter-afghanes», durant lesquelles les insurgés et Kaboul doivent négocier l'avenir du pays.

Selon Sediq Sediqqui, porte-parole du président Ashraf Ghani, «la grâce et la libération de 1 500 prisonniers taliban» devraient commencer le 14 mars au rythme d'une centaine de détenus par jour. Une fois des discussions entamées entre les autorités afghanes et les insurgés sur le futur du pays, 500 nouveaux détenus seront ensuite libérés «toutes les deux semaines», jusqu'à parvenir à un total de 5 000 prisonniers, «à condition que la violence diminue de manière importante», a poursuivi Sediq Sediqqui sur Twitter.

La mesure a été prise par décret du président Ashraf Ghani, qui s'y était jusque-là opposé au nom de la souveraineté nationale. Elle figurait dans l'accord signé le 29 février à Doha par les Etats-Unis et les Taliban, mais non ratifié par Kaboul, en échange de la libération par les insurgés de 1 000 membres des forces afghanes qu'ils détiennent.

Suhail Shaheen, un porte-parole des Taliban, a prévenu, quelques minutes après l'annonce de Kaboul, que le groupe islamiste procéderait à une «vérification» après chaque libération. «Ils devront être les personnes dont le nom figure sur la liste», a-t-il précisé sur Twitter. Selon le négociateur américain Zalmay Khalilzad, les prisonniers que les autorités afghanes ont accepté de relâcher sont effectivement ceux inscrits sur une liste fournie par les Taliban.