Le ballet diplomatique se poursuit à Alger : après avoir reçu successivement, ces dernières semaines, Mevut Cavusoglu, Luigi Di Maio et Jean-Yves Le Drian – respectivement ministres des Affaires étrangères de la Turquie, de l’Italie et de la France – la capitale algérienne abritera, le 23 janvier, une réunion à laquelle prendront part les chefs de la diplomatie de l'ensemble des pays voisins de la Libye, et le chef de la diplomatie malienne afin de coordonner leurs actions en vue de régler le conflit dans ce pays.
En proie au chaos depuis l’intervention de l’OTAN en 2011, qui s'est soldée par la chute et la mort de l'ancien dirigeant Mouammar Kadhafi, la Libye est minée depuis 2014 par une guerre fratricide impliquant le chef du gouvernement d'union nationale (GNA) Fayez al-Sarraj et l'homme fort de l'est libyen, le maréchal Khalifa Haftar. Cette dégradation du climat politique et sécuritaire a, par ailleurs, conduit à une résurgence du terrorisme.
«Permettre aux frères libyens de régler la crise de leur pays»
«A l'initiative de l'Algérie, [Alger accueillera] une rencontre des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye, avec la participation de la Tunisie, l'Egypte, le Soudan, le Tchad et le Niger», a annoncé le 22 janvier dans un communiqué le ministère algérien des Affaires étrangères. Le texte précise, en outre, que «le ministre des Affaires étrangères du Mali assistera également à cette rencontre au vu des implications de la crise libyenne sur ce pays voisin».
«Cette réunion s'inscrit dans le cadre des efforts intenses de l'Algérie de coordination et de concertation entre les pays voisins et les acteurs internationaux afin d'accompagner les libyens dans la voie du règlement politique de la crise à travers un dialogue inclusif entre toutes les parties», souligne le ministère algérien.
«Lors de cette rencontre, seront exposés les derniers développements en Libye [...] afin de permettre aux frères libyens de régler la crise de leur pays loin de toute ingérence, quelle qu'en soit la nature», souligne par ailleurs le communiqué.
Cette rencontre intervient à quelques jours de la visite du président turc Recep Tayyip Erdogan, fervent partisan, un temps, d’une intervention militaire en Libye. La tenue, le 19 janvier, d’une conférence sur la Libye à Berlin a éloigné, pour l’heure, une intervention militaire d’Ankara, les puissance étrangères ayant participé à ce sommet, dont la Turquie, ayant en effet accepté de renoncer à toute «interférence» dans ce dossier.
Les pays limitrophes de la Libye en état d’alerte
Les pays partageant une frontière avec la Libye ne cachent pas leurs inquiétudes vis-à-vis de la situation explosive dans ce pays. Ainsi, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait tenu, le 26 décembre, une réunion du Haut conseil de sécurité (HCS), qui regroupe les plus hautes autorités civiles et militaires de l'Algérie, afin d’évoquer la situation à ses frontières, notamment celle avec la Libye longue de plus de 900 kilomètres. Son homologue égyptien avait fait de même le 2 janvier en convoquant une réunion urgente du Conseil de sécurité nationale. Une réunion qui réunissait plusieurs hauts responsables des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Défense ainsi que plusieurs chefs des services de renseignements.
Exposée par l’instabilité sécuritaire chronique de son voisin libyen – la capitale libyenne étant située à moins de 200 kilomètres d’une frontière pour le moins poreuse – la Tunisie, attachée comme l’Algérie à une résolution politique du conflit, a lancé en décembre dernier une initiative de dialogue entre tribus libyennes afin de «parvenir à une solution à la crise libyenne loin des interventions étrangères et armées».
Déstabilisés par la multiplication des attaques terroristes, le Niger et le Tchad, également limitrophes de la Libye, s’inquiètent aussi des développements sécuritaires chez leur voisin du Nord. Dans une interview accordée le 18 décembre à France 24, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, avait estimé que la Libye constituait «la principale source d’approvisionnement en armes des terroristes».
Le Tchad partage également cette inquiétude : «Depuis le déclenchement de la crise libyenne et ses graves conséquences sur le Sahel, notamment l’expansion du terrorisme, le Tchad a payé et continue de payer un lourd tribut dans la lutte contre le terrorisme», avait rappelé le président Idriss Déby à l’occasion de la cinquième conférence Dialogues méditerranéens, qui s’est tenue les 6 et 7 décembre à Rome (Italie).
Quant au Soudan, il avait décidé, en septembre dernier, de fermer la frontière qu’il partage avec la Libye pour des raisons de sécurité.
Erratum : dans une version précédente de cet article nous avions écrit «le président tchadien Mahamadou Issoufou». Ce dernier est le président du Niger.
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