11 ans après l’expulsion réciproque des représentants diplomatiques des deux pays, le gouvernement intérimaire bolivien a nommé, le 26 novembre, un ambassadeur aux Etats-Unis. Cette décision, annoncée sur Twitter par la ministre bolivienne des Affaires étrangères, Karen Longaric, représente une rupture dans la politique étrangère du pays andin, à la suite du départ de l’ancien président socialiste Evo Morales, qui dénonçait un «coup d'Etat» après avoir été lâché par l'armée et la police.
Un tournant pro-américain ?
La nomination de Walter Oscar Serrate - ancien représentant de la Bolivie aux Nations-unies - en tant qu’ambassadeur aux Etats-Unis, n’a toutefois pas encore été approuvée par le Sénat, où les représentants du Mouvement vers le socialisme (MAS), parti de l’ancien chef d’Etat bolivien, sont majoritaires (21 membres sur 36).
Dès 2008, Evo Morales avait expulsé l’ambassadeur américain Philip Goldberg, l’accusant d’une part de soutenir les manifestations antigouvernementales qui avaient, à l'époque, éclaté dans cinq des neuf départements du pays, et d’autre part de promouvoir la «division» de la Bolivie en tenant des réunions avec des gouverneurs d’opposition qui, selon La Paz, soutenaient des plans séparatistes dans l’est du pays.
Les Etats-Unis avaient alors riposté en expulsant l’ambassadeur bolivien Gustavo Guzman. Ainsi, depuis 2008, les deux ambassades étaient dirigées par des chargés d’affaires. Parallèlement, Evo Morales s’était rapproché d’autres pays au cours de sa présidence, privilégiant les relations avec des gouvernements peu appréciés de Washington, comme le Venezuela, Cuba, la Russie, la Chine ou encore l’Iran.
Mais, promptement reconnue par Washington comme présidente par intérim de la Bolivie, la sénatrice de droite Jeanine Añez, désignée après plusieurs défections, s’est empressée de rebattre les cartes de la politique étrangère bolivienne. En effet, l'une de ses premières décisions dans ce domaine avait été de reconnaître l’opposant vénézuélien Juan Guaido comme président par intérim du Venezuela, comme l’ont fait une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis.
Marquant clairement une inflexion avec la décennie socialiste, le nouveau gouvernement a également démis tous ses ambassadeurs, nommés sous la présidence de Morales, à l’exception de ses représentants au Pérou et au Vatican. De plus, les diplomates vénézuéliens ont également été renvoyés du pays, selon l’AFP.
Morales accusé de «sédition et terrorisme» par les nouvelles autorités
Dénonçant un «coup d'Etat civil-politique-militaire» avec le concours de groupes violents, Evo Morales, arrivé au pouvoir en 2006, et qui briguait un quatrième mandat consécutif, a présenté sa démission de la présidence le 10 novembre pour tenter de ramener le calme dans le pays, où plusieurs morts, issus des deux camps, étaient à déplorer dans des heurts. Craignant pour sa vie alors que les nouvelles autorités avaient pris la main, il s’est depuis réfugié au Mexique, mais les violences se sont poursuivies entre partisans et opposants de l'ex-président. Au moins 32 personnes ont trouvé la mort.
Le 23 novembre, le Sénat bolivien avait annoncé l’adoption «à l’unanimité» d’un projet de loi relatif à l’organisation de nouvelles élections présidentielle et législatives censées tourner la page d’une période de transition mouvementée et conduite par l'autoproclamée présidente par intérim, la très contestée Jeanine Anez.
Loin de calmer les esprits, le nouveau ministre de l'Intérieur Arturo Murillo a annoncé, le 22 novembre, avoir déposé plainte contre Evo Morales pour «sédition et terrorisme», affirmant qu'il avait appelé, depuis le Mexique, ses partisans à «encercler» les villes pour accentuer les blocages.
Lire aussi : Bolivie : les sénateurs considèrent caduque la présidentielle remportée par Evo Morales