En Espagne, la campagne pour les élections législatives, dominée par la crise en Catalogne, s’est terminée le 8 novembre. Les Espagnols vont à nouveau voter sept mois seulement après les dernières législatives. A en croire les derniers sondages, aucun parti politique ne semble pouvoir obtenir une majorité absolue. Le scrutin du 10 novembre pourrait ainsi renforcer l'instabilité politique qui règne dans le pays.
Aucune majorité absolue en vue
De la même manière que lors des dernières élections législatives, les deux principales formations politiques, le Parti socialiste (PSOE), de gauche sociale-démocrate, et le Parti populaire (PP), de droite libérale-conservatrice, ne devraient pas atteindre les 176 sièges permettant d’obtenir la majorité absolue.
D’un côté, le PSOE est donné favori mais néanmoins en recul (-1,3 points) par rapport au mois d’avril, avec 27,1% des voix et moins de 120 sièges (sur 350 au Parlement), selon le sondage GAD3 publié dans le quotidien ABC, paru le 4 novembre. De l’autre côté, le PP verrait son nombre de voix augmenter (+5 points) mais demeurerait loin derrière (21,1%, 91 sièges).
La chute de Ciudadanos et de Podemos
La formation Ciudadanos (centre droit libéral), ancien parti de Manuel Valls, enregistre une importante baisse de ses intentions de vote, avec un score presque divisé par deux (15,9% en avril contre 8,3% en novembre, pour environ 15 sièges).
Quant à Podemos (gauche), le parti de Pablo Iglesias est estimé à 11,2% (-3,1 points par rapport à avril) soit de 28 à 31 sièges, toujours, selon le même sondage.
Vox, grand gagnant de l’instabilité politique et de la crise catalane
La formation politique Vox (droite nationaliste) semble profiter le plus de la lassitude des électeurs, mais surtout de la cristallisation des débats autour de l’indépendance catalane, ainsi que de la colère d'une partie des Espagnols contre les séparatistes catalans à la suite des manifestations du mois d'octobre. Toujours selon les estimations avancées par GAD3, Vox pourrait presque doubler le nombre de ses députés, en passant de 24 à 49, avec 14,9 % des voix (+ 4,6 points).
Expression de son influence grandissante, Vox a obtenu, le 7 novembre, le soutien du PP et de Ciudadanos pour faire adopter au parlement de la région de Madrid une motion symbolique réclamant l’interdiction totale de tous les partis indépendantistes.
Alors qu’ils étaient très peu connus jusqu’à l’année dernière, Vox et son chef de file Santiago Abascal, ont réussi à obtenir 24 députés lors du dernier scrutin législatif d’avril.
Des coalitions sont-elles possibles pour éviter une nouvelle paralysie du pays ?
Une coalition, aussi bien à droite (PP, Vox et Ciudadanos) qu'à gauche, semble pour l'heure difficilement réalisable. Selon le politologue Miguel Requena Teruel, cité par l'AFP, «le blocage devrait être à l'ordre du jour». L’avènement d’un gouvernement socialiste minoritaire n'est donc, une fois de plus, pas à exclure.
Essayant de mobiliser la gauche comme lors des élections législatives d’avril, le chef du gouvernement (PSOE) Pedro Sanchez a appelé à «faire face au franquisme» tout en dénonçant les liens existants entre Vox et le PP qui ont scellé des alliances à l’échelle locale, selon l’AFP, le 8 novembre.
Conscient de la complexité d’obtenir une majorité absolue, Pedro Sanchez a appelé à la mobilisation des électeurs pour lui donner un «gouvernement fort et stable», a rapporté Le Monde le 5 novembre. Le chef de file socialiste a proposé que si aucune majorité n’est à envisager au Parlement, les partis facilitent l’investiture du candidat ayant le plus d’intentions de votes.
La probabilité d’une forte abstention inquiète également le parti au pouvoir, qui espérait sortir renforcé du nouveau scrutin. Par ailleurs, la chute de Podemos d’un côté, et l’effondrement de Ciudadanos de l’autre, réduiraient drastiquement les chances de Pedro Sanchez de pouvoir gouverner avec l’un ou l’autre de ces partis.
Quant à la droite, la formation d’un gouvernement majoritaire semble tout aussi improbable, même avec l’aide de Vox ou de Ciudadanos.
En conséquence, seul un accord de grande coalition entre le PP et le PSOE pourrait mettre fin au blocage et empêcher que ces élections ne débouchent sur un gouvernement minoritaire. Pour l’heure, aucun des deux grands partis n’y est disposé et chacun a exprimé le souhait de remonter dans les intentions de votes durant les derniers jours de campagne.
Ces élections législatives anticipées semblent loin, encore une fois, de pouvoir mettre fin à l'instabilité politique qui consume l'Espagne depuis 2015.