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La Turquie froissée par la reconnaissance du génocide arménien par la Chambre des représentants US

Ankara a décidé de convoquer l'ambassadeur américain en Turquie, après la reconnaissance formelle du génocide arménien par la chambre basse du Congrès américain. Un nouveau sujet de tensions entre les deux alliés de l'OTAN.

La Chambre des représentants des Etats-Unis a reconnu formellement le 29 octobre le génocide arménien, lors d'un vote symbolique inédit qui a suscité la colère de la Turquie au moment où les relations américano-turques sont déjà soumises à rude épreuve.

C'est la première fois qu'une telle résolution est adoptée en séance plénière d'une des chambres du Congrès à Washington.

Appelant à «commémorer le génocide arménien», à «rejeter les tentatives [...] d'associer le gouvernement américain à la négation du génocide arménien» et à éduquer sur ces faits, ce texte non-contraignant a été adopté par l'écrasante majorité de 405 voix sur 435, avec une rare union entre démocrates et républicains, et seulement 11 voix contre.

La Turquie a réagi immédiatement par la voix de son ministère des Affaires étrangères en «condamnant fortement» un «acte politique dénué de sens», ayant pour «seuls destinataires le lobby arménien et les groupes anti-turcs». De plus, le 30 octobre, l'ambassadeur américain à Ankara David Satterfield a été convoqué au ministère des Affaires étrangères en lien avec «la décision dépourvue de fondement juridique prise par la Chambre des représentants», ont indiqué des responsables turcs à l'AFP. De plus, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que le vote des représentants américains sur le sujet n'avait «aucune valeur».

De son côté, le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan a «salué le vote historique du Congrès américain reconnaissant le génocide arménien», jugeant que cette résolution était «un pas audacieux vers la vérité et la justice historique qui offre également un réconfort à des millions de descendants des survivants du génocide arménien».

Il a également fait part de son «admiration pour des générations d'Arméniens et d'Américains d'origine arménienne, dont l'activisme désintéressé et la persévérance ont été le moteur et l'inspiration derrière le vote historique d'aujourd'hui». Parmi eux, la star américaine de téléréalité Kim Kardashian avait dans la matinée du 29 octobre appelé sur Twitter le Congrès à «passer à l'acte». 

Le génocide arménien est reconnu par une trentaine de pays. Selon les estimations des historiens, entre 1,2 million et 1,5 million d’Arméniens ont été tués pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l'Empire ottoman, alors allié à Allemagne et à l'Autriche-Hongrie.

La Turquie refuse l'utilisation du terme «génocide», évoquant des massacres réciproques sur fond de guerre civile et de famine ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps.

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Relations turco-américaines en dents de scie

Ce vote est intervenu le jour de la fête nationale turque alors que les relations entre Washington et Ankara, alliés au sein de l'OTAN, viennent de traverser une nouvelle zone de fortes turbulences. Le président Trump a laissé le champ libre à une offensive turque en Syrie contre des milices kurdes, pourtant également alliées des Etats-Unis, en retirant ses forces du nord du pays début octobre.

Cette décision a suscité un tollé au sein de la classe politique américaine, jusque dans le camp républicain du locataire de la Maison Blanche, dont des élus ont menacé d'imposer des sanctions «infernales» à la Turquie et à ses dirigeants.

Face à la pression, le gouvernement américain a lui-même annoncé des mesures punitives, plus modestes, avant de les lever à la faveur d'un cessez-le-feu négocié avec Ankara.

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