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Après le retrait des Etats-Unis, que va faire la France dans le nord-est de la Syrie ?

Dans un communiqué, Paris condamne l'offensive turque dans le nord-est de la Syrie et assure prendre des mesures pour «assurer la sécurité» de ses forces spéciales sur place. Mais sur qui la France s'appuiera-t-elle après le retrait américain ?

Dans un communiqué publié le 13 octobre, après une réunion du Conseil de défense et de sécurité nationale à Paris dirigée par le chef de l'Etat Emmanuel Macron, la présidence française a annoncé des mesures visant à «assurer la sécurité des personnels français militaires et civils présents» dans le nord-est de la Syrie. Ce communiqué, qui ne livre pas de détails sur le contenu de ces mesures, est publié alors que l'actualité dans cette région du monde s'est accélérée ces derniers jours. En effet, après l'annonce d'une offensive militaire turque contre les milices kurdes, ex-alliées des Etats-Unis, Washington a choisi de retirer des troupes de la zone. Laissés pour compte, les combattants kurdes ont ensuite conclu un accord avec le gouvernement syrien, qui a déployé ses forces à la frontière pour contrer Ankara. 

Retrait ou consolidation de la présence française en Syrie ?

Quid de la position française dans le jeu international qui se joue à la frontière turco-syrienne ? Dans son communiqué, Paris appelle une nouvelle fois à la «cessation immédiate de l'offensive turque en cours» et assure que dans ce but, «la France accentuera ses efforts diplomatiques, en étroite coordination avec ses partenaires de la coalition [menée par Washington] contre Daesh dans le cadre de» l'Union européenne, de l'ONU mais également... de l'OTAN, dont font également partie la Turquie et les Etats-Unis.

Mais la France a-t-elle les moyens de ses ambitions diplomatiques ? Selon des sources diplomatiques françaises citées par l'agence Reuters, sous couvert d'anonymat, le retrait par Washington d'un millier de soldats pourrait forcer les forces spéciales françaises à «quitter [cette zone], vu leur dépendance au soutien logistique américain». Paris se préparerait ainsi, toujours selon les sources de l'agence de presse, à «retirer plusieurs centaines de forces spéciales [qui] opèrent en étroite collaboration avec les forces menées par les Kurdes». Pourtant, selon Le Figaro, Paris souhaiterait plutôt «protéger son armée» et donc, encadrer sa présence sur place, malgré le départ de son principal allié sur le terrain.

Vers un retour des djihadistes ?

Les autorités françaises s'inquiètent en particulier du possible retour sur le territoire national des dizaines de combattants français partis grossir les rangs de Daesh, et de leurs proches, retenus par les groupes kurdes dans la zone. Des responsables kurdes ont notamment fait état, le 13 octobre, de la fuite de 800 proches de djihadistes d'un camp en Syrie, rendue possible par le chaos conséquent aux bombardements turcs. «Je ne sais pas, aujourd'hui, qui sont exactement les personnalités qui se sont enfuies du camp, c'était depuis le début de cette intervention armée une préoccupation pour la France», avait réagi la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye sur l'émission Dimanche en Politique sur France 3, appelant Ankara à «termine[r] au plus vite l'intervention qu'elle a commencée».

«La priorité absolue doit être d’empêcher la résurgence de Daech dans la région», réaffirme pour sa part la présidence française dans son communiqué, soulignant le «risque d’évasion, en raison de l’offensive de la Turquie, des terroristes de Daech faits prisonniers». «Des mesures ont également été adoptées pour renforcer la sécurité du territoire national dans ce contexte», précise encore la présidence.

Paris, combien de divisions ?

Tandis que Paris, comme l'a rappelé Sibeth Ndiaye, maintient que les djihadistes européens doivent être jugés dans les pays où ils ont commis leurs crimes, le président américain Donald Trump a interpellé les pays européens sur leur responsabilité, lors d'un discours le 12 octobre lors d'une conférence politique républicaine. Jugeant qu'il n'appartenait pas aux soldats américains de «garder la frontière entre la Turquie et la Syrie», le chef d'Etat, en campagne, a lancé : «La plupart de ces combattants viennent d'Europe. Ils viennent d'Allemagne, de France et de nombreux pays d'Europe. Ce sont leurs citoyens. Je les ai appelés, et j'ai dit : "Vous devez ramener vos combattants chez nous." Ils n'ont pas voulu. Ils ne veulent pas d'eux. Alors je leur ai dit : "Vous ne comprenez pas, nous n'allons pas les prendre, nous n'allons pas les enfermer à Guantanamo ou dans nos prisons." [...] Je les ai rappelés et ai dit : "Vous devez les reprendre ou nous allons les laisser se diriger tout droit vers vos satanées frontières" mais [ces pays] ne veulent pas. Nous en avons des milliers.»

Et le dirigeant américain de conclure : «Nous avons tué l'EI [...] Nous avons fait le boulot, et nous rentrons à la maison.»

A l'heure où les positions américaines et françaises divergent, la diplomatie française en est pour l'heure réduite, dans son communiqué, à «condamne[r] dans les termes les plus fermes» l'intervention de son partenaire au sein de l'OTAN : la Turquie. Depuis le début de la guerre, Paris a toujours refusé de se tourner vers Damas et son allié russe, qui luttent contre les groupes terroristes sur le terrain, préférant miser sur son alliance avec les Etats-Unis, présents illégalement en Syrie. Mais faute d'alliance avec les troupes de Damas au sol, qui prêtent désormais secours aux Kurdes face à Ankara, sur qui la France s’appuiera-t-elle, après le départ de Washington ?

Louis Maréchal