Lors de la 16e session du Club de discussion Valdaï – un forum international annuel qui vise à rassembler des experts pour débattre de la Russie et de son rôle dans le monde – qui se tenait à Sotchi, Vladimir Poutine s'est montré surpris par une question sur l'«Etat profond» français.
Qui est le président de la France, moi ou Macron ?
Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), a ainsi demandé au président russe pourquoi l’«Etat profond» – des forces puissantes dissimulées selon Emmanuel Macron au sein de l’administration française – l’empêchait de développer les relations avec la Russie.
Interloqué, Vladimir Poutine a répondu qu’il fallait poser cette question à Emmanuel Macron, président français, et non à lui. «Qui est le président de la France, moi ou Macron ? A quoi bon me poser cette question ?», a interrogé le président russe. Au passage, il a conseillé à son homologue de mettre de l'ordre dans l'administration française en remplaçant les personnes qui l'empêchent de mener la politique qu'il souhaite. «Tout d’abord je n'ai pas entendu ce que [Macron] a dit, je ne suis pas au courant. Si quelqu'un l'en empêche, qu'il le remplace ou qu'il fasse entrer ses partisans dans son administration», a réagi le chef d'Etat russe.
Si Pascal Boniface a posé cette question c'est que, fin août, à la suite de sa rencontre très cordiale avec Vladimir Poutine à Brégançon, le président français Emmanuel Macron a, en l’espace de quelques jours, utilisé plusieurs fois l'expression d'«Etat profond» afin de désigner des entités faisant de la résistance, selon lui, quant à ses choix stratégiques concernant la Russie.
Ainsi, alors qu’il s’adressait à l’Association de la presse présidentielle le 21 août, il a employé la formule deux fois à propos de ceux qui, au sein de l'appareil d’Etat français, refusaient un rapprochement entre les deux nations, attisant la vieille rivalité entre Est et Ouest.
Le même jour, évoquant possibilité de rédaction d’un communiqué commun à l’issue du G7, il a fustigé des «des chicayas de bureaucrates et d’Etat profond», expliquant ne pas vouloir être «l’otage de gens qui négocient pour [lui]».
Il y a beaucoup d’acteurs dans les services, dans les forces économique ou autres, qui essaieront des attaques, des provocations et essaieront de fragiliser cette voie
Même son de cloche quelque jours plus tard devant les ambassadeurs lors de la traditionnelle conférence de rentrée le 27 août. «Vous aurez chaque jour des preuves de ne pas aller dans ce sens parce que les acteurs de part et d’autre essaieront chaque jour de menacer ce projet – y compris côté russe – car il y a beaucoup d’acteurs dans les services, dans les forces économiques ou autres, qui essaieront des attaques, des provocations et essaieront de fragiliser cette voie», a-t-il expliqué précisant devoir être «intraitable lorsque notre souveraineté ou celle de nos partenaires est menacée».
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