L'Union européenne et Cuba poursuivent leur politique de coopération, qui prend la forme d'une rébellion contre la volonté de Washington d'imposer une application extraterritoriale du droit américain à travers son blocus de l'île socialiste.
«Nous avons décidé de renforcer le suivi de nos dialogues politiques et en même temps nous avons lancé de nouveaux dialogues par secteur», a déclaré le chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, le 9 septembre, à la Havane, à l'occasion du conseil conjoint Cuba-UE consacré à leur accord historique de dialogue et coopération (ADPC) signé en décembre 2016 et entré en vigueur en novembre 2017.
Le bloc des 28 et l'île caribéenne ont ainsi promis de renforcer leurs liens politiques et économiques et de tout faire pour contrer les effets de la loi américaine Helms-Burton – loi américaine datant de 1996 renforçant l'embargo contre l'île socialiste – qui menace les investissements étrangers à Cuba.
«En ces temps incertains, nous attachons de la valeur à de nombreux partenaires, tels que Cuba, qui partagent leur engagement en faveur du multilatéralisme et d'un système international fondé sur des normes», a ajouté Federica Mogherini lors de la conférence conjointe menée avec Bruno Rodriguez, ministre cubain des Affaires étrangères.
Le secrétaire d'Etat espagnol à la coopération internationale, Juan Pablo de la Iglesia, qui accompagnait Federica Mogherini, a souligné que l'ADPC «a[vait] permis d'établir un cadre de collaboration basé sur le respect mutuel et le dialogue dans tous les domaines d'intérêt commun».
Il a estimé que le contexte politique international étant «devenu plus complexe et hostile», il était essentiel dans cette conjoncture que l'UE maintienne sa «propre approche» et renforce le dialogue avec Cuba au niveau régional.
Rejet de la loi «coercitive» et extraterritoriale Helms-Burton
Grâce à l'accord, «il y a eu des progrès en énergies renouvelables, en agriculture, dans notre lutte face au changement climatique, en culture et dans l'échange d'experts pour moderniser notre économie», a reconnu le chef de la diplomatie cubaine Bruno Rodriguez.
L'Union européenne rejette fermement l'activation pleine de la loi Helms-Burton de la part des Etats-Unis
L'objectif commun des deux partenaires est désormais de contrer l'application de la loi Helms-Burton. Cette législation américaine autorise des actions en justice contre des entreprises étrangères présentes sur l'île, accusées de profiter de biens nationalisés après la révolution en 1959.
«L'Union européenne rejette fermement l'activation pleine de la loi Helms-Burton de la part des Etats-Unis», a déclaré Federica Mogherini. «L'UE considère illégale l'application extraterritoriale des mesures coercitives unilatérales et emploiera tous les moyens appropriés pour protéger les intérêts légitimes de sa population et de ses entreprises», a-t-elle insisté en expliquant les objectifs européens en matière de politique économique : «Nous mettons maintenant en place des mesures de l'UE pour essayer d'avoir une protection efficace des investissements européens, de la présence économique européenne à Cuba.»
L'UE, principal investisseur à Cuba
Après une première réunion en mai 2018 à Bruxelles, «la tenue de ce deuxième conseil conjoint est une preuve des progrès dans les relations avec l'UE», a souligné Bruno Rodriguez.
L'UE est désormais le principal investisseur à Cuba et son premier partenaire commercial, avec des échanges de plus de 3,47 milliards de dollars en 2018. Le niveau de coopération avec l'île socialiste a triplé, passant de 50 à 140 millions d'euros ces deux dernières années, a notamment rappelé le chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.
«Le blocus continue d'être le principal obstacle au développement des liens économiques, commerciaux, financiers et d'investissement entre l'UE et Cuba. L'application extraterritoriale de ces mesures affecte la souveraineté et les intérêts des Européens, de leurs entreprises et de leurs citoyens», a dénoncé le chef de la diplomatie cubaine Bruno Rodriguez.
«Cuba est un partenaire-clé pour nous», a insisté Federica Mogherini, à contre-courant de la politique hostile de l'administration américaine du président Donald Trump, qui accentue l'embargo contre Cuba, en vigueur depuis 1962, notamment en raison du soutien de La Havane au gouvernement de Nicolas Maduro au Venezuela.
De manière générale, «nous avons confirmé une fois de plus que le dialogue ouvert, respectueux, toujours selon les principes d'égalité, de réciprocité et de non-ingérence, permet d'aborder n'importe quel sujet et d'accepter, ou du moins comprendre, mieux nos positions respectives», a déclaré pour sa part le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez.
Il est à noter que si l'Union européenne entend approfondir ses liens avec le gouvernement cubain au grand dam de Washington, elle ne fait pas preuve de la même défiance dans toute la région caribéenne. En effet, l'UE s'est, sur le dossier vénézuélien, alignée sur la position de Washington en reconnaissant dans la foulée des Etats-Unis l'opposant Juan Guaido comme président par intérim du Venezuela et en prenant des sanctions contre Caracas.
Meriem Laribi