Il s'agit d'un cinglant revers pour le Premier ministre Boris Johnson. Ce 3 septembre, le Parlement britannique a en effet adopté par 328 voix contre 301 une motion visant à prendre le contrôle de l'agenda parlementaire, normalement détenu par le gouvernement. L'adoption de cette motion doit déboucher sur le vote, le 4 septembre, d'une autre motion contraignant le Premier ministre à demander à l'UE un nouveau report du Brexit au 31 janvier 2020, au cas où aucun accord de retrait ne serait conclu avec Bruxelles dans les prochaines semaines.
Députés de l'opposition mais aussi conservateurs hostiles à un «no deal Brexit» ont ainsi gagné une première bataille, dont le but ultime pourrait être in fine une sortie sans accord. 21 députés conservateurs rebelles ont ainsi voté contre Boris Johnson.
Dans la foulée du vote, Boris Johnson a annoncé au Parlement le dépôt d'une motion pour des élections anticipées, seule solution selon lui pour résoudre l'impasse consistant à «repousser le Brexit, potentiellement pour des années».
«Nous avons promis au peuple que nous mettrions en œuvre le Brexit. Nous avons promis de respecter le résultat du référendum et nous devons le faire maintenant. Ca suffit !», avait lancé le Premier ministre aux députés, avant le vote.
«Tout le monde dans ce gouvernement veut un accord, mais c'est cette Chambre des communes qui a rejeté trois fois l'accord de sortie [conclu entre l'ex-cheffe du gouvernement Theresa May et Bruxelles] et il ne peut tout simplement pas être ressuscité», avait-il insisté, au milieu d'un brouhaha.
Incertitude politique
Premier acte de cette confrontation : le départ du député conservateur, Phillip Lee, qui rejoint le Parti libéral-démocrate, pro-UE. «Le gouvernement conservateur poursuit de manière agressive un Brexit [aux conséquences] dommageables. Il met en danger des vies [...] et menace de manière injustifiée l'intégrité du Royaume-Uni», a-t-il expliqué ce même 3 septembre dans un communiqué alors que le Premier ministre faisait une déclaration devant le Parlement. Une défection qui vient fragiliser un peu plus la stratégie du locataire du 10 Downing Street, qui entend sortir de l’Union européenne avec ou sans accord.
Pour contrecarrer le plan de Boris Johnson, des élus issus de différents bords politiques soutiennent le vote d'une proposition de loi portée par le député Hilary Benn. Le texte vise à «s'assurer que le Royaume-Uni ne quittera pas l'UE avant le 31 janvier 2020» afin de laisser le temps au gouvernement de trouver un accord avec Bruxelles, avec un nouveau report du Brexit, normalement prévu pour le 31 octobre.
Cette séance houleuse au Parlement britannique intervient dans un contexte politique déjà électrique. Depuis sa décision, le 28 août, de suspendre les travaux du Parlement la deuxième semaine de septembre et jusqu'au 14 octobre, Boris Johnson est en effet la cible des critiques de l’opposition qui dénonce une manœuvre «antidémocratique» sciemment orchestrée pour permettre la conclusion d’un Brexit sans accord.
Une perspective à laquelle s'oppose notamment le camp travailliste, dont le leader Jeremy Corbin a tenté, sans succès, de renverser le gouvernement de Boris Johnson en proposant aux élus conservateurs «de travailler ensemble au Parlement afin de prévenir les dommages causés par l’imposition d’un No Deal [sortie de l'UE sans accord]».
Réfutant l’accusation, le Premier ministre avait alors assuré que les élus «aur[aient] l'occasion de débattre du programme du gouvernement et de son approche du Brexit avant le Conseil européen [des 17 et 18 octobre] et pourront ensuite voter les 21 et 22 octobre, une fois son résultat connu».
Dès sa prise de fonction le 24 juillet, Boris Johnson a martelé à plusieurs reprises qu'il était prêt à une sortie sans accord, se montrant déterminé à répondre à la frustration des 52% de Britanniques qui ont voté pour le Brexit il a plus de trois ans, en juin 2016. Le 31 octobre est la date butoir fixée après deux reports du Brexit, initialement prévu le 29 mars mais repoussé en raison du rejet par les députés de l'accord de divorce conclu par Theresa May avec Bruxelles.