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Trump aurait décrété un embargo économique total contre Caracas avant une conférence internationale

A la veille d'un rassemblement «pour la démocratie» au Venezuela, Washington a gelé les biens du gouvernement chaviste aux Etats-Unis. Il s'agirait de la première mesure d'un embargo total, plaçant Caracas aux côtés de la Corée du Nord ou de l'Iran.

Dans une énième manœuvre visant à tenter de pousser le président vénézuélien Nicolas Maduro vers la sortie, Donald Trump a ordonné le gel total des biens du gouvernement chaviste par décret présidentiel le 5 août. Cette sanction serait en réalité la première d'un «embargo économique total» contre Caracas qui aurait été décidé par la Maison Blanche, selon une source haut placée de l'administration Trump citée par le Wall Street Journal.

Dans un courrier envoyé par la Maison Blanche à Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants, Donald Trump justifie sa décision : «J'ai déterminé qu'il était nécessaire de bloquer les propriétés du gouvernement du Venezuela en raison de la poursuite de l'usurpation du pouvoir par le régime illégitime de Nicolas Maduro.» Il est également reproché aux autorités vénézuéliennes ses «tentatives de discréditer le président par intérim Juan Guaido», en référence à l'opposant qui s'est autoproclamé dirigeant du pays peu de temps après l'investiture de Nicolas Maduro pour un second mandat. 

Le texte précise que les biens concernés ne pourront «pas être transférés, payés, exportés, retirés ou manipulés». Toute transaction avec les autorités vénézuéliennes est également interdite.

Le gouvernement vénézuélien a réagi par un communiqué du ministère des Affaires étrangères, dénonçant «une nouvelle et grave agression de l'administration Trump via des décisions arbitraires [relevant du] terrorisme économique contre le peuple du Venezuela». La vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodríguez a pour sa part dénoncé la tentative d'«asphyxie totale» du Venezuela par Washington.

Le Venezuela, nouvel «Etat voyou» selon Washington

Si cette nouvelle sanction n'est pas anodine (il s'agirait selon le Wall Street Journal de la «première action de ce genre contre un gouvernement de l'Hémisphère ouest depuis plus de 30 ans»), elle s'inscrirait dans une volonté plus globale. 

Non sans rappeler la liste des «Etats voyous» (rogue states, en anglais) publiée par les néoconservateurs américains au pouvoir en 2001, il s'agirait en effet de placer de facto Caracas aux côtés de la Corée du Nord, de la Syrie, de l'Iran, et de Cuba, seuls pays à faire l'objet de sanctions aussi sévères de la part de Washington.

Une volonté dont le chef d'Etat étasunien ne s'était pas caché il y a quelques jours lorsque des journalistes lui avaient demandé s'il envisageait «une mise en quarantaine ou un blocus du Venezuela [...] vu le degré d'implication de la Chine et de l'Iran au Venezuela». Celui-ci avait laconiquement répondu : «Oui, je l'envisage.»

Depuis que l'opposant pro-américain a été reconnu par une cinquantaine de pays, dans la foulée des Etats-Unis en janvier 2019, Washington a multiplié les sanctions contre le gouvernement dirigé par le successeur d'Hugo Chavez, prenant pour cible plus d'une centaine d'individus et d'entités, dont la puissante compagnie publique Petróleos de Venezuela SA (PDVSA) ou encore la Banque centrale du Venezuela.

Un nouveau pas vers l'embargo est cette fois franchi puisque, selon la source citée par le journal américain, l'objectif affiché de l'administration Trump serait de sanctionner toute personne ou compagnie américaine ou étrangère commerçant avec des proches du gouvernement socialiste.

Une conférence pour «la démocratie» ?

Le timing de l'annonce du chef d'Etat nord-américain ne doit rien au hasard, puisque le 6 août a lieu au Pérou une conférence réunissant une soixantaine de nations, convoquée par le Groupe de Lima, composé d'une douzaine de pays latino-américains et du Canada ayant reconnu Juan Guaido comme dirigeant légitime du Venezuela.

La conférence accueillera une délégation américaine menée par le très néoconservateur John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. 

Celui que le locataire de la Maison Blanche lui-même présente comme «un faucon» qui, «si ça ne tenait qu'à lui [...] s'en prendrait au monde entier en une seule fois», n'a pas fait mystère de ses intentions. Il a ainsi promis, selon l'AFP, d'annoncer prochainement des «étapes radicales [vers] une transition du pouvoir de Maduro vers Juan Guaido».

Assisteront également au sommet des délégations de France, du Royaume-Uni, d'Allemagne ou encore d'Israël. Mais d'autres pays comme la Russie, la Chine, la Turquie ou encore Cuba, qui ne reconnaissent que le président élu du Venezuela comme dirigeant légitime, ont décliné l'invitation.

Pendant que les ennemis internationaux de Nicolas Maduro se retrouveront à Lima, les discussions entre le gouvernement et l'opposition vénézuélienne se poursuivent à la Barbade afin de tenter de trouver une sortie constitutionnelle à la crise. Après une première rencontre au mois de mai à Oslo, un deuxième round de négociation s'est en effet ouvert le 8 juillet sur la petite île caribéenne. Le gouvernement de Nicolas Maduro a en outre promis, après les nouvelles sanctions du 5 août, qu'il ne permettrait pas «que cette escalade tendancieuse d'agressions affecte» ces pourparlers.

Malgré plusieurs tentatives de coup d'Etat peu fructueuses, Nicolas Maduro continue à bénéficier du soutien indéfectible de l'armée, tandis que les manifestations de soutien et d'opposition à son mandat se succèdent dans les rues. Le dirigeant vénézuélien a appelé à une «coexistence démocratique» entre les deux parties, appelant à la fin du «putschisme» de l'opposition et de l'ingérence des Etats-Unis, dont l'intérêt dans les réserves pétrolières du Venezuela, les plus importantes du monde, ne fait guère de doute.

Louis Maréchal

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