C'est dans un contexte de défiance grandissante du public et des pouvoirs publics à son égard que s'ouvrait l’Assemblée générale de Facebook le 30 mai. Non content d'avoir à dos des personnalités politiques telles que le président américain Donald Trump, qui lui reproche d'enfreindre la sacro-sainte liberté d'expression protégée par le 1er amendement, ou le président français Emmanuel Macron, qui lui reproche au contraire de ne pas suffisamment contrôler ses contenus, Facebook fait désormais face à une vague de contestation de ses actionnaires.
En cause, la mainmise absolue de son président Mark Zuckerberg sur l'entreprise et sa stratégie. Lors de cette Assemblée générale, des actionnaires ont ainsi défendu quatre résolutions visant à instaurer des contre-pouvoirs dans la gouvernance du géant des réseaux sociaux. L'un des textes présenté visait ainsi à retirer la fonction de président du conseil d’administration à Mark Zuckerberg, et de nommer à sa place un administrateur indépendant. «Le risque est de concentrer trop de pouvoir dans les mains d’une seule personne», a soutenu le porte-parole de cette résolution face aux actionnaires, appelant Facebook à s'inspirer d'autres géants du secteur qui ont mis en place un tel système.
Le mode de scrutin pour l’élection des membres du conseil d’administration a également été mis en cause dans une autre résolution. Celle-ci recommandait d'adopter le vote à la majorité, afin que les administrateurs élus bénéficient d'un large soutien des actionnaires. En l'état actuel des choses, «Facebook fonctionne en gros comme une dictature», a dénoncé ce texte.
Une troisième résolution s'attaquait au mécanisme adopté en 2009 qui donne plus de poids au vote de certains actionnaires. Ce système permet à Mark Zuckerberg de conserver 58 % des droits de vote alors qu'il ne dispose plus que de 13% du capital. «Sans égalité des droits de vote, les actionnaires ne peuvent pas mettre le management devant ses responsabilités», afait valoir le texte.
Facebook campe sur ses positions
Soumis au vote des actionnaires, aucun des textes n'a toutefois été adopté. Et pour cause, Mark Zuckerberg et les 58% des votes qu'il représente s'est sans surprise positionné contre. Dans un texte publié avant l'ouverture de l'Assemblée générale, la direction de l'entreprise a clairement fait savoir qu'elle n'entendait pas changer son mode de gouvernance. «Notre structure de capital contribue à notre stabilité et isole notre conseil d’administration des pressions extérieures», avaient écrit les dirigeants de Facebook. Selon eux, le système actuel lui permet d'établir une stratégie à long terme : «Nos récents efforts pour améliorer la sécurité de notre communauté ont nécessité des investissements importants, ce qui a eu des effets sur notre rentabilité. Ce niveau d’investissement n’aurait peut-être pas été possible si notre conseil d’administration et notre PDG étaient concentrés sur les résultats à court terme.»
Des arguments qui ont peu de chance de convaincre des actionnaires dont la grogne monte. Et selon toutes vraisemblances, la pression sur la direction va aller grandissante dans les années à venir, et des actions telles que celle de l’association Fight for the Future pourraient se multiplier. La veille de l'Assemblée générale, l'association a projeté sur le mur de l'hôtel où elle devait se tenir une image du président de l'entreprise accompagnée d'un titre explicite : «Virez Mark Zuckerberg.»