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Deux pays, deux mondes ? Les européennes révèlent une fracture entre la France et l'Allemagne

Tandis que l'euroscepticisme a la cote en France, l'Allemagne reste un pays où les enjeux du scrutin du 26 mai s'inscrivent dans un présupposé pro-Union européenne. Outre-Rhin, l'UE est synonyme d'une mondialisation dont le pays sort gagnant.

Alors que le couple franco-allemand avait déjà du plomb dans l'aile, la campagne des européennes montre que les deux pays continuent de diverger. En Allemagne, les enjeux sont en effet bien différents de ceux qui occupent le débat dans l'Hexagone.

Si l'on en croit l'«eurobaromètre» de la Commission européenne publié en février 2019, les deux pays appartiennent désormais clairement à deux groupes bien distincts, à deux Europe différentes.

A la question «Faites-vous confiance à l'Union européenne ?», on trouve la France bien en dessous de la moyenne européenne (42%). Selon cette enquête d'opinion, seuls 33% des Français accorderaient leur confiance à l'Union européenne (UE). La faible proportion d'indécis est notable (10%) tandis qu'une large majorité des sondés (57%) exprime une certaine défiance à l'égard de Bruxelles. Une attitude déjà exprimée lors des élections européennes de 2014, où le Front national était arrivé en tête.

La France se classe ainsi parmi les pays les plus eurosceptiques, avec par exemple le Royaume-Uni, empêtré dans le Brexit, ou la lanterne rouge du classement, la Grèce, ruinée par la falsification de sa dette publique lors de son adhésion à l'ensemble européen.

L'Allemagne, elle, se retrouve loin de son partenaire historique dans ce classement, de l'autre côté du spectre. Selon cette étude, les Allemands sont parmi les plus attachés à l'Union européenne. 51% disent faire lui faire confiance, un score qui apparente plus l'Allemagne à des pays convaincus par l'UE comme le Luxembourg et la Belgique.

Gagnants et perdants de la mondialisation

La corrélation est assez claire, d'ailleurs, avec ceux des Européens qui se considèrent ou gagnants ou perdants du «libre échange», c'est-à-dire de la mondialisation.

Là aussi, la France et l'Allemagne ont largement divergé, se retrouvant l'une et l'autre à l'opposé de l'éventail. Signe que les citoyens des deux pays ont bien intégré d'un côté la puissance industrielle et exportatrice germanique, de l'autre le décrochage français.

Une Allemagne pro-UE, une France passée dans le camp des eurosceptiques

Aussi, ces différences se traduisent-elles politiquement, avec des enjeux désormais très éloignés. Là où, en France, les listes de la majorité présidentielle et du Rassemblement national (RN) sont au coude-à-coude dans les sondages, en Allemagne le paysage politique est tout autre. A quelques jours du scrutin, le parti de la chancelière Angela Merkel, malgré une légère baisse, résiste bien.

La CDU ferait ainsi un score moins élevé que lors des Européennes de 2014, baissant de 5 points à 30%, mais arrivant toujours en tête. Le Parti social démocrate (SPD) lui s'effondrerait de 27% en 2014 à 17% selon une estimation de l'agence pour l'éducation civique du Land du Bade-Wurtemberg.

Mais cette fuite possible des électeurs des partis historiques ne se fait pas au bénéfice des partis eurocritiques comme en France, où le RN récolte les dividendes de la crise de confiance dans l'UE. En Allemagne, le parti souverainiste anti-immigration Alternative für Deutschland (AfD) n'est crédité que de 12%. Le score lui permet certes d'accéder au Parlement européen, mais l'AfD est loin de changer la donne. Outre-Rhin, le report des intentions de vote suggéré par les sondages semble se faire à périmètre constant dans le camp des pro-Union européenne.

Les écologistes allemands (Grüne) feraient ainsi une percée surprise, avec 19% des intentions de vote, ce qui correspondrait, si le scrutin le confirme le 26 mai 2019, à un doublement de leur score de 2014. En France, rien de tel : le thème de l'urgence climatique a été capté, au dépens d'Europe Ecologie Les Verts par la liste de La République en marche, «Renaissance», conduite par Nathalie Loiseau.

Quel avenir pour le couple franco-allemand après les européennes ?

Dans ces conditions, si ces tendances se confirment lors du scrutin du 26 mai, l'attelage franco-allemand sera-t-il encore plus difficile à conduire, comme en témoigne le tacle d'Angela Merkel à Emmanuel Macron à quelques jours du scrutin? L'eau a coulé sous les ponts depuis le discours de la Sorbonne d'Emmanuel Macron en septembre 2017, destiné à donner un second souffle à l'Union européenne avec pour moteur la relation franco-allemande. 

Entre-temps, le dirigeant français a dû surmonter l'affaire Benalla, puis la mobilisation historique des Gilets jaunes. Angela Merkel a, elle aussi, ses propres soucis. Affaiblie par les dernière élections législatives, confrontée à une fronde du parti frère des Chrétiens démocrates (CDU), elle pourrait être de son côté confrontée à un éclatement de sa coalition de gouvernement. Le SPD, déjà réticent à y participer, pourrait bien considérer que l'exercice du pouvoir au côté de la chancelière allemande a fait plus de mal que de bien.

Alexandre Keller

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