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Yémen : regain de tension après un raid de la coalition sur Sanaa, l’Iran dans le viseur

Le tension continue de monter dans le golfe Persique après un raid de la coalition saoudienne mené sur Sanaa, qui a fait au moins six morts, en réponse à l'attaque de deux stations de pompage par les Houthis. L'Iran tente elle de calmer le jeu.

Au moins six personnes ont été tuées et dix blessées dans l'un des raids menés par la coalition sous commandement saoudien, le 16 mai, sur la capitale yéménite Sanaa, selon Mokhtar Mohammed, médecin avec lequel l'AFP s'est entretenue. Toujours selon lui, les corps de six personnes sont arrivés à l'Hôpital républicain de Sanaa, ainsi que dix blessés. Toutes ces victimes auraient été dénombrées dans un même quartier de la capitale.

Khaled ben Salmane, fils du roi d'Arabie saoudite et vice-ministre de la Défense, a de son côté accusé l'Iran d'être derrière l'attaque de drones revendiquée par les rebelles houthis du Yémen et qui a visé, le 14 mai, deux stations de pompage d'un oléoduc de la région de Ryad. «L'attaque par les miliciens Houthis contre deux stations de pompage d'Aramco prouve que ces miliciens sont un simple instrument que le régime de iranien utilise pour mettre en œuvre son agenda expansionniste dans la région», a ainsi affirmé le prince Khaled sur Twitter. 

L’Iran calme le jeu

Face à une escalade rapide de la tension avec les Etats-Unis dans le Golfe, l'Iran s'efforce de calmer le jeu tout en maintenant une ligne dure vis-à-vis de Washington, exercice délicat auquel la République islamique est toutefois rompue.

«Ce face-à-face n'est pas militaire parce qu'il n'y aura pas de guerre. Ni nous ni [les Etats-Unis] ne cherchons la guerre, ils savent qu'elle ne serait pas dans leur intérêt», a tenu à rappeler, le 14 mai, l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique. Les déclarations de ce dernier reflètent la conclusion des autorités iraniennes selon laquelle Donald Trump «n'est pas prêt à lancer une guerre à grande échelle dans une région sensible», précise à l'AFP Amir Mohebbian, homme politique et analyste conservateur iranien.

Habitués aux déclarations souvent perçues comme provocantes en Occident, les responsables iraniens, même au sein des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, calibrent leur discours depuis plusieurs jours. L'Iran est une nation «trop grande pour être intimidée par qui que ce soit», a clamé le président Hassan Rohani le 13 mai. «Nous agissons avec le maximum de retenue» face à une escalade «inacceptable […] provoquée par les Etats-Unis», a ajouté le 16 mai son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, alors en visite à Tokyo.

Eviter le «piège» américain

Passablement tendues depuis la révocation unilatérale, il y a un an, le 8 mai, par Donald Trump, de l'accord international de 2015 sur le nucléaire iranien, les relations entre Téhéran et Washington se sont encore davantage crispées ces dernières semaines. Téhéran a annoncé le 8 mai avoir suspendu certains de ses engagements pris en vertu de ce texte. Le même jour, Washington a renforcé ses sanctions contre l'économie iranienne avant d'annoncer un renforcement de sa présence militaire au Moyen-Orient, face à des menaces d'attaques présentées comme «imminentes» contre ses intérêts dans la région.

«L'Iran a agi de manière sage, en faisant preuve de flexibilité et de retenue pour montrer au monde que c'est Trump qui essaie de détruire l'accord» de 2015, rappelle Amir Mohebbian. Pour lui, la République islamique s'efforce clairement de ne pas tomber dans le «piège» du président américain consistant à pousser l'Iran à la faute. En avril, Washington a annoncé le classement des Gardiens de la Révolution sur sa liste des «organisations terroristes internationales». Téhéran a répliqué en déclarant considérer désormais les troupes américaines déployées de la Corne de l'Afrique à l'Asie centrale comme des «groupes terroristes».

Une guerre est néanmoins peu probable étant donnée la forte opposition des opinions publiques des deux pays à entrer en conflit. «En Iran, le souvenir de la guerre Iran-Irak [1980-88] est toujours très présente dans la mémoire collective, et l’une des principales forces [...] de la République islamique est d’assurer une certaine stabilité à la population en comparaison avec les Etats faibles irakien et afghan», souligne Clément Therme, chercheur spécialiste de l'Iran à l'Institut international des études stratégiques (IISS).

Le conflit Iran-Irak s'était achevé par l'épuisement des deux belligérants, sans gain territorial de part ou d'autre faisant, d’après les travaux récents de l'historien français Pierre Razoux, 680 000 morts et disparus, dont 500 000 côté iranien.

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