Les Israéliens font de l’occupation «mais pas que» ; seuls certains d'entre eux «sont avides» ; leurs plages se transforment par un jeu de consonance en «charmantes sal****» : les références aux stéréotypes sur les Israéliens ne manquent pas dans le clip parodique réalisé par la société de télévision publique Kan pour l'Eurovision et diffusé le 10 mai sur Twitter. Mais contrairement aux attentes de la chaîne (qui retransmet l'événement), qui avait misé pour le coup sur l'autodérision, la vidéo a déclenché la furie de Palestiniens, d'Israéliens, et même... du fils du Premier ministre Benjamin Netanyahou.
Le clip diffusé en amont du concours de chant, qui débute cette semaine à Tel Aviv, démarre avec un plan sur un couple, deux visiteurs apeurés arrivant à l’aéroport international de Tel Aviv-David Ben Gourion. Ils sont accueillis par la présentatrice du concours, Lucy Ayoub, qui s’y décrit comme Arabe, et un des journalistes de la chaîne, Elia Grinfeld, se présentant comme d'origine russe. Tous deux entraînent leurs hôtes médusés dans une comédie musicale de quatre minutes ponctuée de clichés. Elia Grinfeld porte ainsi un tee-shirt orné du slogan «J’adore le dôme de fer», nom du système de défense antimissile de l'Etat hébreu. «Pas un mot, je sais ce qu’on vous a dit, que c’est une terre de guerre et d’occupation. Mais nous avons tellement plus de choses à montrer !», s'enthousiasme en chanson Lucy Ayoub. «S’il te plaît chérie, suis-nous pour cet endoctrinement éclair !», s'amuse Elia Grinfeld.
Plus tard, Elia Grinfeld chantonne dans une boutique : «La plupart d’entre nous sont juifs mais seuls certains d’entre nous sont avides». Le journaliste conseille ensuite aux touristes les «charmantes sal****» locales (la consonance de l'anglais permettant une ambiguïté entre les termes «plages» et «sal****»). Lucy Ayoub explique également que d’ici quelques années, la mer morte disparaîtra complètement à cause des usines. Jérusalem est quant à elle qualifiée par les deux protagonistes comme la «capitale adorée d'Israël».
La parodie a déplu à de nombreux internautes, qui n'ont pas tardé à exprimer leur mécontentement. Le présentateur Eran Cicurel, face à l’avalanche de commentaires outragés, a répondu avec un message en anglais : «Pour être clair, cette comédie musicale est une satire et elle a été faite pour affronter les stéréotypes sur les Juifs et Israël [...] en utilisant cet humour d’autodérision qu’on affectionne. Nous connaissons nos défauts et nous n’avons pas honte d’en rire.»
Piqué au vif, Yair Netanyahou, le fils du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, n’a pas été convaincu par l’explication et a tweeté plusieurs messages, se plaignant que l'argent des contribuables israéliens ait, selon lui, servi à produire une vidéo «antisémite». Yair Netanyahou a ajouté qu'il aurait préféré que cet argent serve à indemniser les «survivants de l’holocauste, les infirmes et les personnes âgées».
Comme le fils du Premier ministre, de nombreux internautes israéliens sont montés au créneau, demandant que la vidéo soit retirée et se plaignant de clichés antisémites. Côté palestinien, les esprits se sont aussi échauffés, réagissant au fait que la Palestine ne soit pas mentionnée, ou à la mention de Jérusalem comme «capitale adorée».
Jewish Voice for Peace, association israélienne pro-palestinienne favorable au boycott de l'Eurovision, a pour sa part jugé la vidéo «misogyne» et «antisémite».
Le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, basé à Ramallah, a réagi sur Facebook, accusant l'Etat hébreu de se servir de l'Eurovision pour «pérenniser son occupation coloniale en normalisant l’acceptation dans le monde de son comportement illégal».
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