La loya jirga afghane, «grande assemblée» en langue pachtoune, s'est achevée le 3 mai à Kaboul après quatre jours de débats. Elle a appelé le gouvernement afghan et les Taliban à observer un cessez-le-feu «immédiat et permanent» qui démarrerait avec le ramadan en début de semaine prochaine.
«Afin de respecter la volonté et les exigences de la majorité de la population, [...] le gouvernement de la République islamique d'Afghanistan et le mouvement taliban doivent déclarer et appliquer un cessez-le-feu immédiat et permanent dès le premier jour du ramadan», invite la résolution concluant la loya jirga, à laquelle plus de 3 000 représentants afghans participaient depuis le 29 avril.
Parmi les 23 points de cette résolution finale, censée définir les limites d'un accord de paix avec les Taliban, sont également évoqués «un calendrier de retrait des troupes de l'Otan», la préservation de la Constitution et de «tous les droits des Afghans, y compris les droits des femmes» ou encore l'ouverture d'un bureau politique des talibans à Kaboul.
Dans son discours de clôture de la loya jirga, le président afghan Ashraf Ghani a dit être «prêt à mettre en œuvre l'exigence juste et légitime du peuple» d'un cessez-le-feu mais a souligné que «cela ne peut se faire que d'un seul côté». «Si les Taliban sont pleinement prêts pour le cessez-le-feu, alors nous pouvons parler des détails techniques», a-t-il déclaré.
Les Taliban opposés à toute résolution
La demande d'un cessez-le-feu avait été formulée avec insistance durant la loya jirga qui rassemblait 3 200 politiciens, responsables religieux, dirigeants communautaires et autres membres de la société civile. Un cessez-le-feu de trois jours avait été observé en juin 2018 à la fin du ramadan, le premier depuis qu'une coalition internationale menée par les Etats-Unis avait chassé les Taliban du pouvoir en 2001. Des scènes sans précédent de fraternisation s'étaient produites entre insurgés et membres de l'armée afghane.
L'immense espoir qu'il avait suscité n'avait cependant pas empêché l'Afghanistan de replonger dans une sombre et fratricide guerre.
Ashraf Ghani a souhaité relancer cet espoir de paix en appelant «les Taliban à se préparer à des négociations de paix à l'intérieur de l'Afghanistan» et «à ramener la paix chez eux», suscitant les vivats des milliers de représentants. Il a également proposé «en signe de bonne volonté» la libération de 175 prisonniers talibans. «J'attends votre réponse», a lancé le président à l'adresse des rebelles.
Les Taliban n'ont pas réagi dans l'immédiat mais avaient déjà fait savoir qu'ils rejetaient toute décision ou résolution qui serait prise.
Réunion parallèle au Qatar avec les Taliban
Les insurgés, qui ont refusé l'invitation de participer à la loya jirga faite par Ashraf Ghani, rencontrent séparément à Doha au Qatar depuis le 1er mai l'émissaire américain pour la paix, Zalmay Khalilzad. Mais même sans les autorités afghanes, qualifiées de «marionnettes» de Washington par les insurgés, et jusqu'à présent tenues à l'écart de ces discussions bilatérales, les négociations ne coulent pas de source.
«J'ai souligné aux Taliban que le peuple afghan, qui sont leurs frères et soeurs, souhaite la fin de cette guerre. Il est temps de déposer les armes, d'arrêter la violence et d'embrasser la paix», a tweeté le 2 mai Zalmay Khalilzad.
L'envoyé spécial américain «devrait oublier l'idée que nous déposerons les armes», lui a rétorqué sur Twitter Zabihullah Mujahid, le porte-parole des Taliban. «Au lieu de ces fantasmes, il ferait mieux de faire comprendre (aux Etats-Unis) qu'ils doivent cesser d'employer la force et de générer d'autres pertes humaines et financières à l'administration en déclin de Kaboul», a-t-il poursuivi.
De nombreux Afghans craignent cependant qu'un accord trop hâtif entre Etats-Unis et insurgés ne compromette les avancées sociétales acquises depuis 2001.
La loya jirga n'a toutefois pas fait l'unanimité au sein de la classe politique afghane. Plusieurs personnalités ont boycotté le rendez-vous, pourtant présenté comme historique, estimant qu'il était utilisé par Ashraf Ghani pour faire campagne avant l'élection présidentielle prévue en septembre.