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Algérie : «On ne veut plus que nos jeunes meurent en mer ou vivent sans papiers à l'étranger»

Pour le dixième vendredi d'affilée, les Algériens investissent les rues de leur pays dans ce qui est devenu un rendez-vous hebdomadaire de contestation contre le pouvoir et le système qu'incarnait l'ancien président Abdelaziz Bouteflika.

Sur fond de limogeages de personnalités symboles du clan Bouteflika et d'incarcérations d'hommes d'affaires dans des cas de corruption présumée, les Algériens sont à nouveau dans la rue par milliers ce 26 avril pour le dixième vendredi d'affilée.

A Alger, devant la Grande Poste, bâtiment emblématique du centre-ville devenu point de ralliement de la contestation, aux cris de «Système, dégage !», «Vous avez pillé le pays, voleurs !», ils sont à nouveau des dizaines de milliers à prendre part à ce qui est devenu le rendez-vous hebdomadaire de la contestation.

La semaine qui vient de s'écouler a été marquée par de nouveaux limogeages, des convocations judiciaires et des poursuites annoncées contre des personnalités du pouvoir et par le placement en détention provisoire de riches hommes d'affaires.

Les manifestants réclament toujours le départ de tous ceux qui ont de près ou de loin un lien avec l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir durant les vingt dernières années. Abdelkader Bensalah, qui a accompagné l'ex-chef d'Etat durant toutes ces années jusqu'à sa démission le 2 avril, est toujours chef de l'Etat par intérim. Et Noureddine Bedoui, autre fidèle dévoué, toujours Premier ministre d'un gouvernement de transition, surnommé par les manifestants «le gouvernement de la honte».

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En outre, Saïd Bouteflika, frère de l'ancien président, est dans la ligne de mire des manifestants qui demandent qu'il soit jugé, car ils le soupçonnent d'avoir usurpé le pouvoir en toute illégalité depuis qu'Abdelaziz Bouteflika s'est retrouvé très affaibli par un AVC en 2013.

Plusieurs manifestants interrogés par le site d’information TSA tiennent un discours empreint de «dégagisme». L'un d'eux exige que dégagent tous ceux qui ont un lien avec l'ancien pouvoir : «Du chef de commune aux plus hautes sphères du pouvoir, ils vont tous dégager et seront tous jugés quand nous aurons une justice indépendante». «Nous ne les jugerons pas nous-mêmes car notre but à nous est que tous ces corrompus s'en aillent», ajoute-t-il. Un autre pense aux jeunes Algériens qui jusque là fuyaient leur pays pour aller chercher l'eldorado en Occident : «Nous voulons une seule chose, que les jeunes Algériens vivent dans leur pays, nous ne voulons plus que nos jeunes aillent mourir en mer ou vivre sans papiers à l'étranger.»

Comme chaque vendredi depuis le 22 février, les manifestations ne se cantonnent pas à la capitale. A Bejaïa, en Kabylie, à l'est d'Alger, Hicham Rouibah, chercheur en socio-économie, qui milite pour la mise en place de la démocratie participative dans le pays, a annoncé la tenue d'un débat citoyen pendant la manifestation hebdomadaire.

A Tizi Ouzou, Oran, Constantine, Sidi Belabbès, les manifestations se tiennent également comme chaque vendredi, dans une ambiance bon enfant et sans violence.

A Bordj Bouariredj, une foule immense a investi la rue, attirant sur cette ville moyenne de l'est du pays, située entre Alger et Constantine, l'attention de tout le pays.

Meriem Laribi

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