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Constituante, tirage au sort : les initiatives de démocratie participative fleurissent en Algérie

Elle monte, elle monte... L'idée de la mise en place d'une démocratie participative avec la réunion d'une assemblée constituante, fait son chemin en Algérie. Partout, des initiatives fleurissent dans ce sens. Zoom sur quelques unes d'entre elles.

En Algérie, depuis le début du mouvement de protestation le 22 février qui voit chaque vendredi sortir des centaines de milliers de personnes dans les rues du pays, l'espoir que s'opère un changement profond dans la gestion du pays fait bouillonner la population.

Pour éviter que leur révolution ne leur soit confisquée, à l'image de ce que l'on a pu observer en Egypte ou en Tunisie, les Algériens se veulent en effet très vigilants sur la tournure que vont prendre les événements futurs. Rejetant vigoureusement d'un côté tous ceux qui ont contribué au «système Bouteflika», la population peine de l'autre côté à se structurer et à organiser ce qui pourrait être l'Algérie de demain.

Quelques initiatives tentent néanmoins de fédérer et l'idée de l'établissement d'une démocratie participative commence à germer chez certains. Même si, à cette heure, aucun mouvement d'ampleur nationale n'a encore surgi - le temps de la pédagogie et de l'organisation étant plus long que le temps politique - des tentatives de structuration par le bas sont tout de même à noter.

En plus de la désormais traditionnelle marche du vendredi, des débats citoyens sont organisés ou improvisés dans des universités et même dans la rue dans plusieurs villes du pays. Par exemple, sur les marches du Théatre national (TNA) au centre d'Alger, des artistes mènent tous les lundis après-midi des débats improvisés où les passants sont invités à venir exposer leurs doléances et à participer aux échanges.

Pour contribuer à armer intellectuellement les citoyens, Massensen Cherbi, professeur de droit public, a animé des cours de droit constitutionnel, ouverts à tous à «La Baignoire», un «espace de partage» qui accueille des expositions ou des ateliers, au centre d'Alger. Se référant à l’une des «toutes premières» revendications du mouvement national algérien, Massensen Cherbi plaide pour la réunion d’une assemblée constituante.

Des tables rondes constituantes dans la rue à une plateforme numérique

De la théorie à la pratique, des initiatives visant à instaurer une démocratie participative effective commencent également à émerger. Hicham Rouibah, chercheur en socioéconomie, affilié à l'université d'Oran et habitant à Béjaïa, a organisé plusieurs tables rondes constituantes dans les rues de sa ville afin de réécrire une nouvelle Constitution. «J'ai lancé un appel via la page Facebook d'un ami, je pensais que j'allais avoir dix personnes, j'ai imprimé quelques exemplaires d'articles de la Constitution sur lesquels je voulais travailler, et j'ai eu mille personnes qui sont venues» a-t-il raconté à RT France. Il plaide en outre pour la mise en place en Algérie, des référendums abrogatoire et révocatoire ainsi que la reconnaissance du vote blanc. Depuis, il reçoit des invitations à venir exposer ses idées et organiser des assemblées dans plusieurs villes du pays.

L'idée d'une constituante ? Pour Hicham Rouibah, elle relève de l'évidence. «Une fois que les gens ont compris que c'est par le biais d'une appropriation du droit constitutionnel que le peuple reprendra le pouvoir, ils adhèrent forcément et témoignent un grand enthousiasme à se mettre à écrire ensemble les futures règles».

Afin de mutualiser toutes les futures écritures constitutionnelles et organisations locales, Hicham Rouibah est en lien avec d'autres activistes, dont des informaticiens, et ensemble, ils comptent mettre en place une plateforme numérique, qui pourrait prendre la forme d'une application mobile. «C'est encore un projet naissant mais je pense que la technologie est la meilleure solution pour mettre en place notre dessein démocratique. Aujourd'hui, tout se passe sur internet», explique-t-il. En plus de faciliter le débat citoyen à travers des classements thématiques où chacun pourra voir de quoi on parle dans son coin, l'application permettrait de mieux se structurer et à terme, de voter.

«Soumettre le gouvernement aux règles de la démocratie et non l'inverse»

Même projet du côté du chanteur Amazigh Kateb, très populaire en Algérie et connu pour son engagement politique. Celui-ci a en effet récemment animé une conférence avec Hicham Rouibah à Béjaïa qui s'est conclue par des tables rondes constituantes. Depuis le début du mouvement, l'artiste prône l'instauration de la démocratie participative, à l'image de l'une des revendications des Gilets jaunes en France, notamment portée par Etienne Chouard. Auteur de plusieurs textes visant à faire de la pédagogie sur la question, Amazigh Kateb invite les citoyens, par comités locaux, à écrire eux-mêmes la future Constitution du pays qui «devra enfanter le futur gouvernement et le soumettre aux règles de la démocratie, et non l’inverse».

Refus de la récupération, intérieure comme extérieure

Le chanteur, également fils de l'écrivain Kateb Yacine, explique se méfier des manipulations du mouvement de protestation, qu'elles viennent des tenants du pouvoir à l'intérieur, ou d'une possible ingérence occidentale : «Depuis les révolutions colorées de l’ancien bloc de l'Est jusqu'aux printemps arabes, les exemples de noyautage des mouvements progressistes, et de manipulations américano-occidentales des mouvements révolutionnaires ne manquent pas. C'est l’agenda global du libéralisme mondialisé», écrit-il.

Aux agendas fixés selon lui par les «prédateurs» intérieurs et extérieurs au pays, Amazigh Kateb préférerait l'établissement d'un agenda populaire «démocratique et citoyen» s'organisant du bas vers le haut, partant des plus petites communes. Le chanteur a même réalisé une présentation dans laquelle il schématise les étapes de l'organisation comme suit : réunion, vote des représentants de quartier, formation d'une assemblée constituante communale, création d'une plateforme commune qui permettra le tirage au sort des représentants communaux, d'une commission de contrôle citoyen et d'un comité de vigilance citoyenne. Ceci aboutirait à une assemblée constituante intercommunale et le processus serait recommencé en remontant avec le même procédé les échelles représentatives jusqu'à arriver au niveau national.

Le 22 avril, les participants à une réunion convoquée par le chef de l'Etat algérien par intérim Abdelkader Bensalah, mais largement boycottée par les syndicats et les partis politiques, ont évoqué «la possibilité de reporter» la présidentielle du 4 juillet de «quelques semaines». Reste à voir si l'idée d'une assemblée constituante saura s'imposer face à l'élection d'ici l'été.

Meriem Laribi

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