La Direction générale de la sûreté nationale algérienne (DGSN) a publié le 12 avril un communiqué dans lequel elle affirme d'une part avoir procédé à l'arrestation d'étrangers aux «intentions machiavéliques» incitant à «des formes d'expression radicale» des jeunes Algériens, et d'autre part avoir déjoué un attentat «terroriste».
Le communiqué évoque des «complots malintentionnés, qui ont tenté sans relâche de détourner les manifestations de leur nature pacifique en les transformant en violence et en chaos dans le but de semer la confusion et la destruction.» La DGSN affirme que des étrangers ont été identifiés et arrêtés durant les dernières semaines et que leurs intentions ont été «identifiées», à savoir «attiser les tensions et inciter les jeunes à recourir à des formes d'expression extrêmes afin d'exploiter leurs images à travers les médias et les réseaux sociaux». Ces personnes détenaient, selon la police algérienne, des «équipements sensibles» ainsi que «des substances psychotropes».
Par ailleurs, la DGSN a annoncé dans le même communiqué l'arrestation d'un «groupe terroriste armé de munitions planifiant des actes criminels contre les citoyens». Certaines des armes qu'ils possédaient auraient été «utilisées pour assassiner des membres des services de sécurité au cours de la décennie noire», affirme en outre le communiqué qui évoque les conclusions d'une enquête. Ni la date ni le lieu des interpellations n'ont été révélés. Ces «terroristes» planifiaient, toujours selon le communiqué, de «commettre des exactions contres les citoyens, profitant de la densité humaine générée par la mobilisation».
La police s'en remet à «l'intelligence et à la sagesse du peuple»
La police s'en remet à «l'intelligence et à la sagesse du peuple» ainsi qu'au «professionnalisme des médias nationaux et leur sens des responsabilités» afin de protéger la population algérienne, ajoute le communiqué qui assure que la police n'avait pas l'intention de réprimer les manifestants pacifiques.
Ce texte sonne comme une justification des actions des forces de l'ordre à Alger durant la semaine qui vient de s'écouler. En effet, après l'annonce, le 9 avril, de la nomination du président par intérim Abdelkader Bensalah, un proche d'Abdelaziz Bouteflika, et de la tenue de l'élection présidentielle le 4 juillet prochain, des rassemblements qui se sont tenus dans la capitale algérienne ont en effet été empêchés. Si elle avait largement laissé se tenir toutes les mobilisations du vendredi depuis sept semaines, le 9 avril, la police avait ainsi, pour la première fois depuis le 22 février, tenté de disperser une manifestation pacifique d'étudiants à Alger et empêché le 11 avril tout rassemblement devant la Grande Poste, monument central et emblématique de la capitale algérienne.
Des échauffourées et des tirs de lacrymogènes ont conduit en outre à des heurts en marge du 8e vendredi de contestation le 12 avril.
Malgré cela, des manifestants ont continué à tenter de fraterniser avec les forces de l'ordre, reprenant les slogans «Policier, enlève ta casquette et viens manifester!» ou encore «Policiers et peuple, frères». Certains se sont agenouillés au milieu de l'avenue, les mains levées en signe de paix.
«Nos familles manifestent dans nos villes d'origine, on est issus du peuple nous aussi», a confié un policier à l'AFP. «On est dans une position inconfortable, on n'a pas le choix». «On espère qu'il y aura de bonnes décisions pour le pays et que cela s'arrête», confie un autre représentant des forces de l'ordre, qui dit être «fatigué» après quasiment deux mois de soulèvement populaire.
Le 10 avril, le chef d'état-major des armées Gaïd Salah avait déjà déploré l’apparition de «tentatives de la part de certaines parties étrangères» de pousser certains individus au devant de la scène pour les imposer comme représentants du peuple en vue de conduire la phase de transition. Pour le chef d'état-major algérien, ces manœuvres visent à déstabiliser le pays en semant «la discorde [...] à travers des slogans irréalisables visant à mener le pays vers un vide constitutionnel et détruire les institutions de l’Etat, voire provoquer une déclaration de l’état d’exception». Pour ce haut-gradé, «il est irraisonnable de gérer la période de transition sans les institutions qui organisent et supervisent cette opération». Une déclaration en forme de réponse au mot d'ordre des manifestants Yetnahaw ga3 («Ils dégageront tous») qui rejettent tous ceux qui se sont acoquinés avec le pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika.
Meriem Laribi
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