Des gilets jaunes sur la place des Martyrs de Tripoli : en Libye, quelques milliers de personnes, certaines vêtues du célèbre vêtement fluorescent, ont manifesté, le 19 avril, pour dénoncer l'offensive militaire du maréchal Khalifa Haftar et le rôle de la France, qu'ils accusent de le soutenir. Sur l'emblématique esplanade de la capitale libyenne, des points jaunes constellent la masse vert-rouge-noir des drapeaux libyens, de toutes tailles, brandis par les manifestants.
Comme le 16 avril, les partisans des forces loyales au gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, reconnu par la communauté internationale, se sont rassemblés pour crier leur opposition au maréchal Haftar, l'homme fort de l'est de la Libye. Ce dernier a lancé le 4 avril une offensive sur Tripoli. Son autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) affronte depuis les forces du GNA aux portes de la ville.
Certaines pancartes ont dénoncé l'offensive des forces pro-Haftar : «Non à la dictature», «Non à la militarisation de l'Etat» ou «Nous avons besoin de nos fils pour construire le pays». D'autres ont critiqué l'attitude de Paris : «Surpris de la conduite française face à l'attaque de Tripoli», peut-on voir sur une pancarte écrite en français et signée des «habitants de Tripoli». «Il faut que les autres pays arrêtent leur ingérence dans les affaires des Libyens, comme la France qui dit publiquement que c'est un pays ami mais soutient en cachette ceux qui attaquent notre ville et nos maisons», déclare un des manifestants, Haifa al-Ferjani, 23 ans.
La France clairement mise en cause
Le GNA a régulièrement dénoncé le soutien tacite de la France au maréchal Haftar. Le 18 avril, le ministre de l'Intérieur du GNA, Fathi Bach Agha, a publiquement accusé Paris de soutenir «le criminel Haftar». Accusations «infondées», ont immédiatement répondu les autorités françaises, assurant qu'elles soutenaient «le gouvernement légitime du Premier ministre Fayez al-Sarraj et la médiation de l'ONU pour une solution politique inclusive en Libye».
Dans un tweet en arabe le 19 avril, l'ambassade de France en Libye a rappelé que Paris «a annoncé son opposition à l'attaque actuelle et appelle de nouveau à un cessez-le-feu rapide» ainsi qu'à un «retour sans délai à la table des négociations».
Mais les manifestants n'ont pas semblé convaincus. Certains ont brandi le portrait d'Emmanuel Macron aux côtés de ceux, barrés d'une large croix rouge, du roi d'Arabie saoudite Mohammed Ben Salmane et du chef d'Etat égyptien Abdel Fattah al-Sissi, soutiens ouverts de Khalifa Haftar.
Certaines de ces affiches, posées au sol, ont été ostensiblement piétinées par les manifestants. «La Libye est devenue une otage des calculs et règlements de compte entre d'autres pays. Et nous payons le prix de leurs différends», déplore Belaid, le père de Haifa. «Nous refusons que des civils soient visés par les bombes et des roquettes aveugles», renchérit Jalal Ali Bribech, un autre protestataire qui affirme - reprenant la rhétorique du GNA - que le maréchal Haftar est un «criminel de guerre».
Les combats, dont les détonations résonnent parfois jusque dans le centre-ville, ont touché ces derniers jours des quartiers résidentiels de la périphérie de Tripoli. Les deux camps se sont rejeté la responsabilité des morts. Depuis le début de l'offensive le 4 avril, 213 personnes ont péri et 1 009 ont été blessées, dont des civils, selon un nouveau bilan de l'Organisation mondiale de la Santé. Sur le terrain, les positions, elles, ne changent guère depuis plusieurs jours.
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