C'est décidement un feuilleton qui n’en finira jamais. Lors de la tenue d’un Conseil européen extraordinaire le 10 avril, les dirigeants européens et le Premier ministre britannique Theresa May se sont accordés sur un report du Brexit pouvant aller jusqu’au 31 octobre, écartant par la même occasion la possibilité d’un no deal. Ce compromis a été décidé à la veille du 12 avril, date butoir pour le retrait britannique telle que convenue lors d’un précédent sommet.
Les dirigeants européens, divisés sur le sujet entre partisans d’un court report, dont la France fait partie, et les défenseurs d’un délai plus long, se sont finalement entendus dans la nuit et ont soumis leur proposition à Theresa May, qui l’a immédiatement accepté malgré sa volonté d’un report au 30 juin. Elle a annoncé qu’elle s’adresserait aux députés britanniques ce 11 avril, tentant toujours de convaincre l’opposition travailliste du bien fondé de sa démarche. «Nous pouvons encore sortir le 22 mai», a insisté le Premier ministre, soulignant que la balle était désormais dans le camp de députés qui ont déjà rejeté l’accord trois fois.
La France assume
Lors d’une conférence de presse organisée après le sommet, le président du Conseil européen Donald Tusk s’est félicité d’un «accord sur une extension flexible jusqu’au 31 octobre, donnant six mois de plus au Royaume-Uni pour trouver la meilleure solution possible», ajoutant que les Britanniques pouvaient encore «ratifier l’accord de retrait, auquel cas il ser[ait] mis fin à la prolongation». Il a également rappelé que Londres gardait la possibilité «d’annuler complètement le Brexit».
A l’issue du sommet, Emmanuel Macron a salué «le meilleur compromis possible» permettant de «préserver l’unité des 27». «La butée du 31 octobre nous protège car c’est une date clef avant l’installation d’une nouvelle Commission», a expliqué le président français. Alors que des critiques avaient dénoncé l’intransigeance de la France, Emmanuel Macron a reconnu «des sensibilités différentes», affirmant «assumer» un «rôle de clarté» et de «fermeté». La France veut par-dessus tout se prémunir contre les capacités de nuisance que pourrait avoir un Royaume-Uni qui garderait un pied dans l’UE et l’autre dehors pendant une durée indéterminée.
Supplications européennes
Le compte rendu du sommet précise que le Royaume-Uni devra se comporter «de manière constructive et responsable» durant la période supplémentaire qui lui a été accordée. Londres devrait par ailleurs «s’abstenir de toute mesure susceptible de compromettre la réalisation des objectifs de l’UE» mais gardera «tous ses droits et obligations» d’Etat membre, d’après Donald Tusk. La possibilité avancée par certains diplomates européens de faire renoncer les Britanniques à leur droit de veto n’est donc pas retenue.
Selon une source européenne citée par l’AFP, «le Royaume-Uni ne désignera pas de commissaire européen mais pourra prendre part à la nomination d’un nouveau président de la Commission car le vote a lieu à la majorité qualifiée au Conseil.» De son côté, le Premier ministre belge rassure : «Des informations techniques et juridiques apportées par la Commission ont montré que les possibilités pour le Royaume-Uni de prendre en otage les institutions de l’UE sont très réduites. Mais nous devons rester attentifs.»
L’accord prévoit un «point d’étape» lors d’un sommet européen prévu fin juin 2019. «Ce ne sera pas une session de négociation», a averti Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, soulignant que «le moment crucial de la décision sera le mois d’octobre».
Le Royaume-Uni, s’il veut encore être membre effectif de l’UE d’ici cette date butoir, aura à participer aux élections européennes prévues pour la fin mai. Si ce n’est pas le cas, les Britanniques devront «sortir le 1er juin sans accord» a rappelé le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, conformément aux conclusions du sommet.
Le président américain Donald Trump s'est lui fendu d'un tweet critique : «Dommage que l'Union européenne soit si dure avec le Royaume-Uni sur le Brexit. L'UE est un partenaire commercial brutal avec les Etats-Unis, ce qui va changer. Parfois, dans la vie, il vaut mieux laisser les gens respirer avant qu'ils ne viennent vous mordre !»
Ce report décidé dans la nuit «est aussi flexible que je m’y attendais, et un peu plus court que je ne l’espérais», a déclaré Donald Tusk après la réunion. Il en a également profité pour lancé un énième avertissement aux Britanniques : «Il reste suffisamment de temps pour trouver la meilleure solution possible. S’il vous plaît, ne perdez pas de temps cette fois.» Le président de la Commission européenne sera-t-il entendu cette fois-ci ?
Alexis Le Meur