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Après la démission de Bouteflika, quelles suites pour la contestation algérienne ? (EN CONTINU)

Alors que le chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika – dont la perspective d'un cinquième mandat était contestée – a démissionné, les Algériens réclament toujours la fin du «système». Une élection présidentielle doit être organisée sous 90 jours.

Jeudi 4 avril

La démission d'Abdelaziz Bouteflika continue d'être célébrée à Alger comme en témoigne un rassemblement spontané au niveau de la place Maurice Audin. 

Mercredi 3 avril

Le Front de libération nationale (FLN), parti d'Abdelaziz Bouteflika, a salué ce 4 avril la décision de celui-ci de démissionner face à la contestation inédite qui le visait, afin d'assurer «la pérennité de l'Etat», rapporte l'agence de presse algérienne (APS).

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a espéré ce 3 avril que l'Algérie connaisse «une transition pacifique et démocratique», après la démission de son président Abdelaziz Bouteflika, entérinée par le Conseil constitutionnel algérien. 

«Le secrétaire général salue le calme et le respect dont fait preuve le peuple algérien dans l'expression de son désir de changement», souligne une déclaration de ses services.

Dans une lettre d’adieux, Abdelaziz Bouteflika demande pardon aux Algériens dans le cas où il aurait commis des erreurs et assure avoir été «sincère». Se disant «fier» d'avoir fait «entrer l’Algérie dans le XXIe siècle», le chef de l'Etat algérien estime qu'il laisse l'Algérie «dans une situation meilleure que celle où elle se trouvait».

Le Conseil constitutionnel algérien confirme la vacance du poste de président. 

La vacance définitive de la présidence de la République est constatée conformément à l’article 102 alinéa 04 de la Constitution. L’acte de déclaration de la vacance définitive de la présidence de la République sera communiqué, en ce jour, 27 Rajab 1440 [calendrier musulman] correspondant au 3 avril 2019, au Parlement conformément à l’article 102 alinéa 05 de la Constitution», précise le communiqué cité par l'Agence de presse officielle algérienne (APS). 

Selon le journaliste Khaled Drareni, «les administrations commencent à retirer les portraits d' Abdelaziz Bouteflika, notamment les mairies et leurs annexes».

Le Conseil constitutionnel se réunit ce 3 avril à Alger pour constater la vacance du poste de président de la République. 

Le Kremlin a appelé ce 3 avril à une transition sans «ingérence de pays tiers» en Algérie, au lendemain de la démission du président Abdelaziz Bouteflika confronté à une contestation populaire inédite.

«Nous espérons que, quoi qu'il arrive, les processus internes qui se déroulent dans ce pays et qui relèvent exclusivement des affaires intérieures de l'Algérie se dérouleront sans ingérence de pays tiers», a ainsi déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il a également fait savoir que la Russie espère que la transition qui s'annonce n'aura «aucune répercussion sur le caractère amical» des relations bilatérales entre les deux pays.

Selon les informations de Tsa-Algérie, le président démissionnaire du Forum des chefs d'entreprises – le principal syndicat patronal algérien – Ali Haddad, a été placé ce 3 avril dans la matinée sous mandat de dépôt par le juge d’instruction d'un tribunal d'Alger. Classé par Forbes dans le top 5 des personnalités les plus riches d’Algérie en 2018, Ali Haddad a été transféré à la prison d’El Harrach où il est désormais incarcéré dans l’attente de son procès. Patron de la première entreprise algérienne de travaux publics et proche du clan Bouteflika, il avait été empêché de sortir du pays à l’aéroport d’Alger et arrêté dans la nuit du 30 au 31 mars. Pour l'heure, il serait accusé de non-déclaration de devises ainsi que de possession de deux passeports algériens.

Ce 3 avril, la presse algérienne titre naturellement sur le départ historique de celui qui est resté président près de 20 ans. «Bouteflika part sur fond de tension avec l’armée», analyse en une El Watan, un des plus grands quotidiens francophone du pays. «Ironie de l’histoire, c’est le dernier des "mohicans" de l’armée, repêché par Bouteflika en 2004, qui va lui donner le coup de grâce», poursuit le journal, en référence au général Ahmed Gaïd Salah, le chef d’Etat-Major de l’armée algérienne qui a précipité la démission présidentielle. «Sans gloire, le roi déchu est "bouffé" par un général», écrit encore El Watan.

«Le tsunami populaire a rendu le pouvoir au peuple», annonce quant à lui en une le journal arabophone El Khalar. Les journaux Liberté ainsi que le Soir d'Algérie titre eux «Bouteflika, la fin».

La nouvelle de la démission du président algérien a instantanément engendré des manifestations de joie à travers plusieurs villes du pays dans la soirée du 2 avril. Pour nombre d’entre eux, il s’agit d’une première victoire face à un système politique décrié.

Le président du Sénat français, Gérard Larcher, invité sur CNews ce 3 avril, a envoyé ses voeux de bonne réussite à son homologue algérien, devenu président par intérim en l'attente d'élections présidentielles sous 90 jours. «Assurer la transition en Algérie est une tâche importante car une page se tourne», a-t-il fait savoir.

Les Etats-Unis, par la voix de son porte-parole de la diplomatie, Robert Palladino, a fait savoir dans la soirée du 2 avril que le cadre de la future transition en Algérie après la démission du président Abdelaziz Bouteflika devait être fixé par les Algériens eux-mêmes.

«Il revient aux Algériens de décider comment gérer cette transition en Algérie», a simplement estimé le département d'Etat américain.

La France a été la première chancellerie occidentale à réagir le 2 avril. «Le peuple algérien a montré ces dernières semaines, par une mobilisation continue, digne et pacifique, qu’il était déterminé à faire entendre sa voix», a ainsi salué le chef de la diplomatie française. 

Jean-Yves Le Drian s'est également dit «confiant» dans «la capacité de tous les Algériens à poursuivre cette transition démocratique dans ce même esprit de calme et de responsabilité».

Avec la démission du président Abdelaziz Bouteflika, «c'est une page importante de l'histoire de l'Algérie qui se tourne», a-t-il encore ajouté.

L'Algérie se réveille sans Abdelaziz Bouteflika à sa tête, une première en près de 20 ans. Après cinq semaines lors desquelles des centaines de milliers d'Algériens ont fait montre dans les rues de leur défiance envers le pouvoir en place, la situation institutionnelle s'est enfin débloquée, notamment grâce à la pression de l'armée.

Un temps plus jeune ministre des Affaires étrangères au monde, le président Abdelaziz Bouteflika a en effet remis sa démission le 2 avril. Vêtu d'une gandoura – une tunique nord-africaine – il l'a déposée au président du Conseil constitutionnel, qui doit l'officialiser. A Alger, un concert de klaxons a accueilli la nouvelle et des scènes de liesses ont eu lieu dans nombre de villes. Des feux d'artifice ont également été tirés à la tombée du jour dans plusieurs localités.

Quelques heures plus tôt, l'armée algérienne avait annoncé dans un communiqué qu'elle soutenait «le peuple jusqu’à la satisfaction de ses revendications». Son patron, le général Ahmed Gaïd Salah, y avait notamment dénoncé «les conspirations abjectes, fomentées par une bande qui a fait de la fraude». Une allusion à peine voilée au cercle rapproché d'Abdelaziz Bouteflika.

Bien que l'armée ait joué un rôle dans la célérité de la démission d'Abdelaziz Bouteflika, elle ne semble pas pour autant avoir les faveurs de la population. «Système dégage», peut-on voir sur de nombreuses pancartes vendredi après vendredi, la population du pays réclamant de faire table rase et de renouveler intégralement la vie politique algérienne. Depuis l’officialisation, mi-février, de la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à la prochaine élection présidentielle, les mouvements de protestation s'étaient multipliés en Algérie, provoquant ainsi le délitement du camp présidentiel.

Le gouvernement fraîchement nommé et plusieurs personnalités politiques ou hommes d'affaires réputés proches du chef de l’Etat n'ont pas non plus les faveurs de la rue. L'intérim d'Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la Nation (chambre haute du Parlement algérien) âgé de 77 ans et qui doit rester au maximum 90 jours, le temps qu'une nouvelle élection présidentielle soit organisée, se déroulera-t-il sans heurts ? Premiers éléments de réponse ce 3 avril.

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