Elliot Abrams se souviendra de sa première audition devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis le 13 février pour s'expliquer sur ses intentions au Venezuela.
A cette occasion, plusieurs militants se sont introduits au sein de la Chambre vêtus de T-shirts et arborant de pancartes portant les inscriptions : «Abrams est un criminel de guerre», «Pas touche au Venezuela!». Ce n'était là que le comité d'accueil. En effet, les représentants démocrates n'ont pas manqué de rappeler à Elliott Abrams son rôle déterminant dans la politique étrangère américaine et son implication dans des affaires troubles, notamment en Amérique centrale – ce qui a donné lieu à des échanges tendus.
Nommé par le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo fin janvier pour «aider le peuple vénézuélien à rétablir pleinement la démocratie et la prospérité dans son pays», l'envoyé de Washington au Venezuela a acquis au fil de sa carrière le surnom de «secrétaire adjoint des sales guerres». Cet homme de 71 ans a en effet été mis en cause dans des coups d’Etats et des opérations d'ingérence des gouvernements Reagan et Bush fils. Condamné en 1991 pour avoir dissimulé des informations au Congrès dans le cadre du fameux scandale Iran-Contras, il avait finalement été gracié par le président George Bush en 1992.
En référence à cette affaire, le représentant démocrate Joaquin Castro a demandé à Elliott Abrams s’il était au courant de livraisons d’armes ou d’équipements de défense par le gouvernement américain à des groupes d'opposants à Nicolas Maduro. Elliott Abrams a répondu que non. «Je pose cette question parce que vous avez laissé des traces d'actions de ce genre. Pouvons-nous faire confiance à votre témoignage d'aujourd'hui?», a demandé le représentant.
Rappelant également cette affaire et d'autres, la représentante démocrate Ilhan Omar a renchéri : «Je ne comprends pas pourquoi les membres de ce comité ou le peuple américain devraient trouver véridiques un quelconque témoignage que vous donnez aujourd'hui.»
Se montrant particulièrement virulente, Ilhan Omar a poursuivi en mettant l'accent sur le massacre d'El Mozote au Salvador en 1981 qui a fait plusieurs centaines de morts dont des enfants. «Vous avez dit plus tard que la politique américaine au Salvador était une "réalisation fabuleuse"» a rappelé la représentante. «Le pensez-vous toujours, oui ou non? [...] Pensez-vous que ce massacre est un fabuleux exploit accompli sous notre surveillance?» a-t-elle invectivé.
«C’est une question ridicule, et je ne vais pas y répondre», a répondu Elliott Abrams, visiblement contrarié. «Oui ou non?» a insisté Ilhan Omar. «Non!», a finalement répondu Elliott Abrams. «Je vais prendre ça pour un oui», a conclu la représentante démocrate.
«Soutiendriez-vous une faction armée au Venezuela qui commettrait des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou un génocide si vous pensez qu’ils servent les intérêts des États-Unis comme vous l’avez fait au Guatemala, au Salvador ou au Nicaragua?», a demandé l'élue. Elliott Abrams a refusé de répondre à la question.
Aussitôt nommé, l'envoyé de Donald Trump au Venezuela avait déclaré que Washington maintiendrait la pression sur Nicolas Maduro et ses proches par «divers moyens». «Mais nous fournirons également des rampes de sortie à ceux qui feront ce qui est juste pour le peuple vénézuélien», a-t-il notamment déclaré, laissant à chacun le soin de se faire une idée sur la nature de ces «rampes» à la lumière du parcours de celui qui les évoque.
En le nommant, le secrétaire d'Etat Mike Pompeo avait déclaré : «La passion d’Elliott pour les droits et les libertés de tous les peuples fait de lui une personne idéale et un ajout précieux et opportun. [...] Elliott sera un véritable atout pour notre mission d’aider le peuple vénézuélien à rétablir pleinement la démocratie et la prospérité dans leur pays.»
Lors de cette audience du 13 février, les représentants démocrates ont déclaré qu'une action militaire américaine au Venezuela, telles qu'évoquée par Donald Trump, n'était pas une option envisageable et que le Congrès s'y opposerait.
Meriem Laribi