L'opposant vénézuélien Juan Guaido, qui s'est auto-proclamé président par intérim du pays, a annoncé le 2 février l'arrivée dans les prochains jours d'une aide humanitaire destinée au Venezuela dans trois centres de collectes : à la frontière colombienne, au Brésil et sur une île des Caraïbes. Juan Guaido a appelé l'armée vénézuélienne à laisser entrer cette aide dans le pays.
L'opposant, qui n'a pas livré de détails sur la provenance ou le contenu de l'aide humanitaire promise, a également annoncé la création d'une «coalition mondiale pour l'aide humanitaire et la liberté au Venezuela».
Pour l'écrivain et sociologue, spécialiste du Venezuela, Romain Migus, interviewé par RT France, cette annonce a un objectif : «tendre un piège à Nicolas Maduro.»
«Si le président vénézuélien accepte "l'aide humanitaire", celle-ci irait de la frontière jusqu'au palais présidentiel et le destituerait. S’il l’empêche de passer [les frontières] alors on aura le prétexte pour une intervention militaire et une hausse des tensions», explique-t-il.
Romain Migus rappelle en outre qu'il y a eu des mouvements de troupes aux frontières vénézuéliennes, en Colombie et au Brésil, «deux pays qui sont extrêmement hostiles au gouvernement du président Nicolas Maduro». «Ils ont manifesté plusieurs fois leur volonté d’ingérence dans les affaires intérieures de ce pays», précise-t-il, rappelant que l'opposant Juan Guaido appelle «des puissances étrangères à violer la souveraineté de son propre pays».
Le contrôle des camions à la frontière permettrait-il d'envisager une aide sans soupçon d'ingérence ? Pour Romain Migus, c'est impossible : «Si Nicolas Maduro décide de faire quelque chose comme ça, si jamais il décidait de fouiller les camions, il se verrait opposer un refus de la part de ceux qui les font entrer.» Pour le journaliste, les deux seules voies possibles actuellement sur la table, sont :
- soit l'acceptation d'une aide humanitaire sans contrôle possible des camions, au prix d'«une violation de la souveraineté territoriale»
- soit le refus de l'aide, pouvant entraîner le prétexte d'une intervention militaire extérieure
Juan Guaido a par ailleurs demandé à l'armée de laisser cette aide franchir les frontières, alors que les militaires ont renouvelé leur appui à Nicolas Maduro le 24 janvier dernier, soit le lendemain du discours lors duquel l'opposant s'était autoproclamé «président par intérim».
Washington de son côté s'est dit prêt à envoyer des aliments et des médicaments destinés au Venezuela pour un montant de 20 millions de dollars. On ignore si cette annonce est directement liée à l'aide évoquée par Juan Guaido.
«Ces éléments de langage, autour de l’aide humanitaire, sont un immense cirque médiatique», juge Romain Migus. «Je rappelle que les Etats-Unis viennent de geler 10 milliards de dollars, ils en ont proposé 20 millions en aide humanitaire», argumente-t-il. Il constate d'ailleurs que, depuis 2014, environ 80 trains de sanctions économiques ont frappé les Vénézuéliens. Romain Migus rappelle de fait qu'à plusieurs reprises, Nicolas Maduro a demandé la levée du blocus, ce qui constitue à ses yeux la meilleure des aides humanitaires. «Evidemment, il s’est toujours heurté à des fins de non-recevoir», ajoute le journaliste.
Le Venezuela, pays qui détient les plus grandes réserves prouvées de pétrole brut dans le monde, traverse d'importantes difficultés économiques, qui se matérialisent principalement par une inflation galopante et des pénuries. Depuis 2015, quelque 2,3 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays. Ces dernières semaines, les rassemblements de l'opposition et des partisans de Nicolas Maduro se sont succédés.
Bastien Gouly
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