S'il était nécessaire de démontrer qu'il est très difficile de quitter l'Union européenne, c'est chose faite. Ce 29 janvier, le Premier ministre britannique Theresa May a tenté de nouveau de traduire dans les faits le résultat du référendum de juin 2016, avec toutes les difficultés que cela comporte. Les députés britanniques ont ainsi proposé leurs propres amendements, alors que la dirigeante avait échoué à présenter un plan alternatif après le rejet par la Chambre des Communes le 15 janvier de l'accord de Brexit négocié avec l'Union européenne.
Je veux retourner à Bruxelles avec le mandat le plus clair possible
Tout sauf un Brexit sans accord
Sept amendements ont été retenus pour une discussion et un vote de la chambre des Communes. Parmi ceux-ci, les députés britanniques ont voté un amendement qui exclut une sortie de l'Union européenne sans accord. Cet amendement, qui n'est toutefois pas contraignant pour le gouvernement de Theresa May, a été adopté de justesse, par 318 députés, tandis que 310 s'y sont opposés. Le calendrier laisse à Londres jusqu'au 29 mars pour sortir de l'Union européenne.
Accord non négociable, martèle Bruxelles
Les députés britanniques ont voté un autre amendement demandant à modifier l'accord négocié par Theresa May, en particulier une disposition visant à éviter le retour à une frontière physique entre la province britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Avant le vote, acquis par 317 voix contre 301, le Premier ministre avait estimé que cet amendement, déposé par le conservateur Graham Brady, lui donnerait «mandat» pour rouvrir les négociations, ce que Bruxelles s'est jusqu'ici refusé à faire.
Mais peu après le vote, un porte-parole du président du Conseil européen Donald Tusk a martelé que l'accord de Brexit n'était pas renégociable. «Les conclusions du sommet européen de décembre sont très claires sur ce point», a-t-il ajouté.
Plus tôt dans la journée, Theresa May avait exprimé sa volonté de «rouvrir» l'accord de divorce qu'elle a conclu fin novembre avec l'Union européenne, selon son porte-parole. «Je veux retourner à Bruxelles avec le mandat le plus clair possible», avait-elle notamment déclaré.
«Le Royaume-Uni continue de croire qu'il est absolument dans son intérêt de partir avec un accord, mais nous devons avoir un accord ayant le soutien du Parlement et cela nécessitera quelques modifications à l'accord de retrait», a déclaré son porte-parole, cité par l'AFP, lors d'un point presse régulier.
La situation dans laquelle se trouve la dirigeante paraît toujours aussi inextricable. Le 15 janvier dernier, les députés de la Chambre des communes ont massivement rejeté le traité de retrait du Royaume-Uni, péniblement et laborieusement négocié avec Bruxelles. L'enjeu ? Eviter une sortie du Royaume-Uni sans accord – un «no deal Brexit» – aux conséquences incalculables, notamment sur les échanges commerciaux.
Theresa May prise en tenaille entre Bruxelles et nationalistes irlandais et écossais
La dirigeante conservatrice doit résoudre, encore et toujours, la quadrature du cercle. Elle doit notamment s'assurer du soutien du petit Parti unioniste démocrate (DUP) dont les 10 députés lui assurent une courte majorité depuis le revers des législatives de juin 2017. Vent debout contre le dispositif de «filet de sécurité», («back stop» en anglais), destiné à éviter le retour d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, le DUP devrait se satisfaire de l'amendement «Brady», adopté ce 29 janvier, qui élimine cette option du back stop.
Les 35 députés du Parti national écossais (SNP) de Nicola Sturgeon pèsent eux-aussi de tout leur poids sur le destin du Royaume-Uni, menacé d'éclatement. Le SNP forme le troisième plus grand groupe de députés après les conservateurs au pouvoir et l'opposition travailliste. Ils sont résolument favorables à l'UE et, comme le Labour, pressent Theresa May d'écarter l'éventualité d'un divorce sans accord. Aussi le SNP demande un second référendum, entamant ainsi la légitimité du scrutin de juin 2016. Le SNP veut que le Royaume-Uni, ou tout au moins l'Ecosse, reste dans le marché unique et l'union douanière. Faute de quoi Nicola Sturgeon, dirigeante du SNP et Premier ministre écossais, brandit la menace d'organiser un autre référendum, mais cette fois sur l'indépendance de l'Écosse.