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Lavrov accuse l'ONU d'entraver la reconstruction en Syrie au moyen d'une «directive secrète»

Moscou pointe du doigt une directive secrète qui interdirait aux agences onusiennes de participer à la reconstruction de la Syrie. Ayant tablé sur un changement de régime, les Occidentaux, eux, se retirent des programmes de financement.

Tandis que Damas appelle les réfugiés syriens à retourner dans leur pays où la fin de la guerre se dessine, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a accusé ce 20 août les Nations unies d'entraver la reconstruction de la Syrie.

«Le département politique du secrétariat de l'ONU a publié et diffusé dans tous les systèmes de l'ONU une directive secrète qui interdit aux organisations qui en font partie de participer au projet de reconstruction de l'économie syrienne. Seule de l'aide humanitaire sera accordée, rien de plus», a dénoncé Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse à Moscou avec son homologue libanais Gebran Basil.

«Pourquoi le Conseil de sécurité, qui gère directement la résolution [du conflit] syrien, n'était-il pas au courant et pourquoi de telles décisions ont été prises sans une analyse transparente, objective de la situation sur le terrain», s'est encore interrogé le chef de la diplomatie russe, interpellant le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. «J'espère qu'il va mettre ça au clair», a ajouté le ministre russe.

Une tentative pour Washington d'empêcher le retour des Syriens ?

La déclaration de Sergueï Lavrov intervient alors que trois jours plus tôt, Donald Trump annonçait que les Etats-Unis ne participeraient plus à un fonds de stabilisation de la Syrie. Leur participation représentaient un montant annuel de quelque 230 millions de dollars. «L'Arabie saoudite et d'autres pays riches du Moyen-Orient paieront à la place. Je veux développer les Etats-Unis, nos forces armées et les pays qui nous aident !», avait affirmé le président américain sur Twitter.

Ce 20 août, le ministre russe a donné sa lecture de cette décision, affirmant, selon Reuters, que le refus américain de participer à la reconstruction visait à compromettre, faute d'infrastructures suffisantes, le retour des réfugiés syriens dans leur pays. Il a en outre accusé Washington d'uniquement vouloir participer à la reconstruction des parties de la Syrie dans lesquelles l'opposition à Bachar el-Assad était active.

De son côté, Moscou souhaite aider Damas à accélérer le retour chez eux des 5,6 millions de Syriens chassés par le conflit depuis 2011. «Au cours du dernier mois, près de 7 000 réfugiés ont quitté le Liban [un pays qui a vu arriver de nombreux réfugiés syriens ayant fui les combats et les zones sous contrôle de groupes djihadistes] pour la Syrie. Nous poursuivons nos efforts dans cette direction», a affirmé Sergueï Lavrov avant de poursuivre : «Les conditions pour cela sont déjà en place et continuent à s'améliorer, je parle ici des décisions prises à la fin du Congrès du dialogue national syrien à Sotchi [qui a eu lieu en janvier à l'initiative de la Russie].»

Quelques jours plus tôt, avant une rencontre avec Angela Merkel, Vladimir Poutine avait appelé à «tout faire» pour que les réfugiés syriens puissent rentrer chez eux. «C’est potentiellement un énorme poids pour l'Europe», avait-il ajouté.

Les Occidentaux sur la touche

Si les Occidentaux pouvaient espérer, comme lors de la guerre en Irak, se partager le gâteau de la reconstruction en Syrie, c'est bien Moscou qui est l'interlocuteur privilégié de Damas dans cette phase de reconstruction. Pour cause, l'intervention militaire russe, menée à la demande du gouvernement syrien fin 2015, a changé le rapport de force et l'armée régulière syrienne contrôle désormais près des deux tiers du pays.

En 2017 déjà, à l'occasion de la première édition de la Foire internationale de Damas depuis le début du conflit, les pays ayant tablé sur un changement de régime en Syrie étaient apparus marginalisés en matière d'investissements en Syrie. Dans un rapport publié en 2017, la Banque mondiale estimait le coût de la reconstruction du pays à l'équivalent de 192 milliards d'euros.

A.K.

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