Les Espagnols ont du mal à y croire. Ils ont appris avec consternation l’existence d’une nouvelle affaire d'agression sexuelle présumée, menée par cinq jeunes hommes sur une mineure de 16 ans, cette fois encore filmée, dans l’île espagnole de Gran Canaria. Pour ajouter au scandale, les agresseurs présumés ont été libérés après leur garde à vue.
Un crime qui rappelle le viol de La Manada, («La Meute» en espagnol), que ces jeunes de Gran Canaria auraient admiré au point de se surnommer eux-mêmes la Nueva Manada, («la nouvelle meute»), selon la presse espagnole. Ils se seraient inspirés du crime commis par cinq Sévillans, dont un garde-civil et un militaire, en juillet 2016 lors des fêtes de Pampelune, et dont les détails avaient déclenché des manifestations monstres dans toute l’Espagne.
Ce groupe d'agresseurs, en recherche de drogue et de sexe en groupe, avait entraîné une jeune fille de 18 ans dans un hall immeuble pour la violer et avaient filmé la scène, sans oublier de lui voler son téléphone portable. Très fiers de leur exploit, ils s'étaient échangé la vidéo sur leur messagerie commune. Ils sont actuellement également en liberté provisoire.
La «nouvelle meute» fière de suivre l'exemple des cinq violeurs de Pampelune
Suivant leur exemple, quatre majeurs âgés de 19 à 24 ans et un mineur de 15 ans ont été arrêtés pour avoir drogué, violé et filmé une jeune fille de 16 ans dans la nuit du 23 au 24 juin. L'agression se serait produite dans une zone touristique de l’île des Canaries, Gran Canaria, lors des célébrations de San Juan qui marque le solstice d’été. Après leur forfait, les jeunes s’en seraient vantés sur leurs messageries.
L'adolescente, dont l’identité n’a pas été dévoilée, a porté plainte et ses agresseurs ont été arrêtés dans la foulée.
Or, dans ce cas comme pour celui de La Meute, les cinq agresseurs ont été remis en liberté provisoire. L'incompréhension agite l'opinion. Sur les réseaux sociaux, l'identité des hommes concernés a été révélée. Ils font actuellement l’objet d’insultes et de menaces de mort. «Ce ne serait pas la honte que tout le monde connaisse le visage des violeurs du sud de Grand Canaria ?», poste par exemple cette internaute.
La justice face à l'incompréhension des Espagnols
Cette offensive numérique rappelle les diverses mobilisations entreprises depuis l’arrestation des membres de La Meute. Les Espagnols ont tout d’abord protesté contre l’attitude des avocats agresseurs, qui tentaient de discréditer la victime, en la faisant passer pour une fille facile. Les slogans «Je te crois» avaient fleuri, en soutien à la jeune fille. Les manifestations avaient repris de plus belle fin avril alors que le procès touchait à sa fin, lorsque le tribunal avait écarté la qualification de viol pour ne retenir que celle d'«abus sexuel» dans son jugement.
En vertu de ce chef d'inculpation, les hommes de La Meute n’ont donc été condamnés qu’à neuf ans de prison. Le parquet espagnol a fait appel, considérant leur peine comme trop clémente. Dans l’intervalle, fait incroyable pour une grande partie des Espagnols, les cinq agresseurs ont été libérés sous caution. Leur libération en attente du procès est évidemment légale mais elle stupéfait l'opinion.
Il est interdit aux agresseurs de La Meute de quitter le territoire espagnol. Le juge du tribunal de Navarre avait estimé qu’à cause de leur réputation, le risque de récidive était «quasi impensable». L’opinion a alors redoublé de fureur. Des manifestations ont éclaté dans de nombreuses villes d'Espagne, et une pétition en ligne depuis le 21 juin sur le site change.org contre la libération des condamnés avait recueilli le 29 juin au soir plus de 817 000 signatures. Les balcons espagnols se garnissent de tissu violet, en hommage à la victime.
Pour ajouter à l’incongruité de la situation, l'un des membres de La Meute, le garde civil, a tenté de récupérer son passeport, trahissant son intention de quitter le territoire. Dans ce cas comme dans l’autre, la justice espagnole est jugée trop indulgente.