Stupeur chez les téléspectateurs de la chaîne turque TVNET, proche du gouvernement, le 19 juin : leur télévision a brutalement annoncé les résultats du premier tour des élections présidentielles qui ont lieu... le 24 juin.
Le programme de nuit diffusait une émission de débat politique sur les élections, avant d'être interrompu sans crier gare par l'image d'un écran de résultats. Le président sortant Recep Tayyip Erdogan y était annoncé vainqueur du scrutin à 53%, avec 26 568 993 voix. Le candidat suivant, le social-démocrate Muharrem Ince, l'une des révélations de la campagne, arrivait second avec 26% des voix. «Urnes dépouillées : 100%», pouvait-on lire en haut à droite de l'écran.
TVNET prône une maladresse
Selon le quotidien allemand Bild, TVNET a répliqué qu'il s'agissait d'une «émission test» diffusée par maladresse. Mais ces résultats anticipés ont suscité interrogations et indignation chez les adversaires du chef d'Etat turc, qui ont partagé leur colère sur les réseaux sociaux. L'opposant Bayar Kimyongur, réfugié en Belgique, et dont la tête a été mise a prix par Ankara, a dénoncé ce qu'il pense être un «scandale». Une capture d'écran de la séquence vidéo a été diffusée.
L'opinion reste méfiante vis-à-vis des médias locaux, et la Turquie est fréquemment dans le viseur des défenseurs de la liberté de presse. En avril 2018, 14 journalistes du journal d'opposition Cumhuriyet ont été condamnés à de lourdes peines de prison, accusés d'avoir soutenu la nébuleuse du prédicateur Fethullah Gülen, considéré par le pouvoir comme le responsable du putsch avorté contre Recep Tayyip Erdogan. En février 2018, les célèbres journalistes Ahmet Altan, Mehmet Altan et Nazli Ilicak avaient été condamnés à la prison à vie.