International

Espionnage : l'exécutif autrichien demande des comptes à l'Allemagne après de nouvelles accusations

Entre 1999 et 2006, les services allemands auraient espionné des ministères autrichiens ainsi que plusieurs organisations internationales situées à Vienne. Des révélations de nature à relancer le scandale des écoutes allemandes pour la NSA de 2015.

L'exécutif autrichien a demandé le 16 juin à l'Allemagne des explications après de nouvelles allégations visant les services secrets allemands, accusés, selon des informations de la presse, d'avoir espionné un grand nombre d'institutions et d'entreprises en Autriche, dont des ambassades et organisations internationales.

«Espionner des Etats amis n'est pas seulement  rare et indésirable, c'est aussi inacceptable», a déclaré le chef de l'Etat autrichien, Alexander Van der Bellen, lors d'une conférence de presse conjointe spécialement convoquée sur le sujet avec le chancelier, Sebastian Kurz. Celui-ci a demandé de son côté une «bonne coopération» afin de faire la lumière sur les révélations de la presse autrichienne.

Le quotidien Der Standard, daté du 15 juin 2018, affirme disposer d'une liste de cibles espionnées par les services allemands de renseignement extérieur (BND) entre 1999 et 2006, comprenant quelque 2 000 numéros de téléphone fixe et mobile, fax et adresses électroniques de ministères, organisations internationales, ambassades et entreprises installées en Autriche. L'hebdomadaire autrichien Profil fait état des mêmes informations.

De telles actions remettraient en question à long terme la confiance entre les Etats

Parmi les organisations internationales ciblées figurent l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui ont toutes leur siège à Vienne.

«[De telles actions] remettraient en question à long terme la confiance entre les Etats», a prévenu Alexandre Van der Bellen, tandis que le chancelier Sebastian Kurz se montrait plus prudent, rappelant que l'Allemagne était un «partenaire important». Tous deux veulent avoir la certitude que ces pratiques ont cessé, soulignant que l'ampleur de la surveillance, telle qu'évoquée par la presse, était «énorme».

L'ombre du scandale d'espionnage allemand pour le compte de la NSA

En Allemagne, le président de la commission du Bundestag en charge de surveiller les activités des services de renseignement, le député de l'Union chrétienne démocrate (CDU) Armin Schuster, a annoncé s'être saisi des révélations. «Nous examinons si ces allégations sont nouvelles ou si elles font partie de ce qui avait déjà été allégué en 2015», a-t-il précisé.

En 2015, les services de renseignement extérieur allemands avaient été embarrassés par des révélations du même type sur leurs activités passées d'espionnage de pays alliés, dont l'Autriche, pour leur propre compte ou celui de la National Security Agency (NSA), l'agence de renseignement américaine.

Des responsables du ministère français des Affaires étrangères, de la présidence française et de la Commission européenne, ainsi que des ministères de l'Intérieur de plusieurs pays européens avaient été espionnés. En 2016, l'Allemagne a voté une loi visant à mieux encadrer les activités du BND. «Je pensais que le BND n'avait pas ce genre de pratiques», s'était étonnée la chancelière allemande Angela Merkel en février 2015. En 2013, elle fustigeait la NSA pour des faits d'espionnage contre les alliés des Etats-Unis, après les révélations du lanceur d'alerte Edward Snowden.

Alexandre Keller

Lire aussi : Cinq ans après ses révélations, Snowden évoque l'espionnage des données : «Maintenant nous savons»